Lettre de V. à son père trop absent : « Plus je te déçois, plus j’ai l’impression de te perdre un peu plus »

Dites-le avec une lettre

Il y a des choses qu'on aimerait pouvoir écrire... Mais on ne sait pas toujours par où commencer, comment trouver les bons mots, véhiculer la bonne intention. Aujourd'hui, on vous aide à vous lancer et envoyer la lettre parfaite:

Voici une lettre bouleversante écrite par V., 26 ans qui a décidé de rassembler son courage pour exprimer dans une lettre à son père, tout ce qu’elle a sur le coeur. Pour repartir sur de meilleures bases.

Lettre de V. à son père qui a été trop absent pour son coeur d’enfant

Papa,

Je t’écris cette lettre non pas parce que les mots me manquent mais parce que je n’arrive pas à m’ouvrir à toi. Et même si je m’en sentais capable, je pense que cette discussion ne pourrait avoir lieu car elle serait sans cesse entrecoupée, par des questions, de l’incompréhension et un manque d’acceptation.

Je veux que tu saches que si je suis si dure avec toi depuis toutes ces années c’est parce que mon père m’a manqué et que mon père me manque toujours. La place qu’un papa a dans la vie de son enfant est normalement importante. De mon ressenti, elle a été vacante et assez instable.

Tous les deux, on ne s’accepte pas tels que l’on est.

Je n’accepte pas que tu m’aies délaissée pendant ces longues années que furent une partie de mon enfance. Je me suis sentie rejetée, abandonnée. Je ne l’ai jamais dit réellement, j’ai plutôt essayé de le faire comprendre, maladroitement, par mes actes, mes paroles et mon caractère. Je pense que tu ne l’as pas compris et que tu ne le comprends toujours pas. Parce que oui, je sais que pour toi tu as fais tout ce qu’il te semblait bon, que tu as fait ce que tu pouvais pour venir me voir et me prendre avec toi aussi souvent que tu le pouvais. Malheureusement, dans mon cœur et ma tête d’enfant à l’époque c’était bien trop peu. J’ai réellement manqué de ta présence.

Je t’avoue qu’il est difficile de se construire quand on manque d’une présence paternelle.

Il est tout autant difficile de pouvoir ressentir entièrement des choses, de pouvoir avoir envie de partager des moments, avec quelqu’un dont on a manqué. Parce qu’au fond de moi, je t’en veux. Je suis en colère contre toi, mais aussi contre la vie. Ce n’est pas spécialement le divorce en lui-même. C’est un cumul de tout, de ton absence, de tes mensonges quand tu me promettais de venir me chercher pour des repas de famille, des mariages, etc.. Encore une fois, je le répète, je me suis vraiment sentie rejetée et abandonnée. Je sais que ces mots vont te faire souffrir autant que je souffre depuis toutes ces années, mais il fallait que je puisse enfin te faire savoir ce que je ressens et ce que je pense au fond de moi. Car j’estime que c’est en mettant cartes sur table, que c’est en te disant tout ça que notre relation peut évoluer.

Parce que je pense que tu n’imagines à quel point je suis blessée, même si je sais que c’était involontaire de ta part.

Parfois, je me dis que tu as agis comme ça car tu n’as pas grandi dans une famille et dans un milieu où l’on est très ouvert, où l’on dévoile les sentiments.

De ton côté, tu n’acceptes pas que je puisse être dure avec toi, que je sois distante, stoïque, que je ne te montre aucun signe affectif. Je le sais, mais comme je te le disais juste avant, je ne peux pas me forcer. Ce n’est pas pour autant que je ressens rien. Bien évidemment, tu es mon papa, et bien-sûr que je t’aime, je t’interdis d’avoir des doutes là-dessus. Simplement, je ne suis pas capable et je ne ressens pas le besoin de le dire ni de le montrer.

Comme je te disais, il n’y a pas que contre toi que je suis en colère, je suis aussi en colère contre la vie.

Je suis en colère parce que j’ai manqué de toi.

Je suis en colère parce que j’ai manqué de ma famille. Je suis en colère parce que je n’ai pas partagé avec toi ce que d’autres enfants ont pu partager avec leur papa. Je suis en colère parce que tu n’es jamais venu me chercher à l’école, parce qu’on n’a pas pratiqué une activité que l’on avait pour passion commune. Je suis en colère parce que je te blesse par mon comportement et mon caractère et je suis en colère parce que tu me compares à d’autres membres de la famille qui sont proches de leurs parents. Je suis en colère parce que je n’aime pas que l’on me compare aux autres car chaque personne est différente autant que chaque vécu. Je suis en colère parce que tu m’as manqué pendant bien trop longtemps et que je t’ai déçue.

Et plus je te déçois, plus j’ai l’impression de te perdre encore un peu plus.

J’ai manqué de toi et tu m’échappes.

Ca fait longtemps que je voulais te dire toutes ces choses-là, mais jusqu’à présent je n’ai jamais réussi que ce soit par le biais d’une lettre ou par une discussion ouverte, simplement toi et moi. Je vais t’expliquer ce qui m’a aidée à passer ce cap.

Au début du mois de janvier 2023, j’ai pris la décision d’aller consulter une psychologue, car j’arrivais à un moment de ma vie où j’avais un grand besoin d’extérioriser. J’avais besoin de me confier sur ce que je ressentais vis-à-vis du divorce de mes parents, de l’absence de mon père, de la mort de mes grands-parents, de mes échecs amoureux, de ma grossesse, de mon avortement.

Mes séances sont pratiquement terminées, et je dois te dire que ça m’a fait un bien fou. Si j’avais su à quel point ça me ferait du bien, j’aurais entamé cette thérapie bien avant, mais malheureusement comme toute chose dans la vie, on ne peut revenir en arrière. Il faut juste tirer des leçons de ses actes, accepter que la vie n’aille pas toujours dans notre sens.

Cette thérapie m’a appris beaucoup de choses sur moi-même que j’ignorais jusqu’ici.

Grâce à cette thérapie, j’ai compris qu’il fallait que la colère que j’avais en moi s’estompe. Parce que cette colère prenait une trop grande place dans ma vie, et que c’était néfaste et toxique de vivre avec ça. Je veux que tu saches qu’aujourd’hui, je ne t’en veux plus. J’accepte que la vie soit comme elle est, qu’on ne peut lutter contre. Que certes, j’ai manqué de toi, mais qu’il est encore temps de pouvoir profiter des années qu’il nous reste à vivre ensemble. Justement, en écrivant cette lettre, je me rappelle toutes les fois où tu as pu râler car je ne me rendais pas compte que le temps passe à une allure dingue et qu’un jour, tu ne serais plus là. Justement, le temps passe et je m’en rends compte.

Je suis encore une petite fille qui a besoin de son père, de l’amour de son père, de la fierté de son père.

J’en ai toujours eu besoin et j’en aurai toujours besoin. Au-delà de tout ce que j’ai pu faire comme conneries dans ma vie, de tout ce que j’ai pu dire, j’aimerais sincèrement qu’on puisse avoir une relation père-fille, malgré les blessures que l’on s’est infligé l’un et l’autre. J’ai 26 ans aujourd’hui. J’en ai marre d’être malheureuse, j’en ai marre de me dire « tiens vendredi je suis en week-end, j’aurais bien pris la voiture pour aller les voir le temps d’un week-end ». J’en ai marre qu’on soit tristes l’un et l’autre, chacun dans notre coin, à ne pas savoir se parler, à ne pas réussir à se parler, se comprendre et surtout s’écouter. J’en ai marre de souffrir de tout ça, et je sais que tu en as marre aussi. Je veux qu’on enterre la hache de guerre. Qu’on enterre nos blessures, nos souffrances, qu’on oublie le négatif et qu’on profite du temps restant pour ne voir que le positif et être enfin heureux. J’en ai marre de souffrir parce que tu me manques. Parce que la seule chose que tu dois comprendre, apprendre, et savoir, c’est que j’ai besoin que tu sois à mes côtés, et qu’il n’y est plus de vide entre nous.

Car un jour, ce vide, il sera définitif et il me brisera. Et j’ai peur de ce jour où ça arrivera.

A l’heure qu’il est, je ne peux être pleinement heureuse dans ma vie sans toi. Tu es la pièce du puzzle qui manque à mon existence. J’avais besoin de te dire tout ça, sans colère, sans pudeur, sans attente. Tu ne comprendras peut-être pas, ou alors peut-être même que tu ne voudras pas. On ne peut pas continuer à se mentir à soi-même et à mentir aux autres en disant que l’on est heureux. Que je ne te manque pas et que tu ne me manques pas.

Pour finir cette lettre, je veux juste que tu comprennes bien une chose. Ce n’est pas un appel à la guerre, ou à la colère. Quand tu auras lu cette lettre, je ne veux pas que l’on se mitraille de questions. Je ne veux pas que l’on hausse le ton, que l’on crie. Je ne veux pas que nos mots dépassent nos pensées. Je veux juste qu’on prenne la décision de se pardonner et de vivre heureux. Loin, certes, mais la distance ce n’est qu’un détail. Je veux qu’on vive heureux comme une famille normale, sans regrets, sans rancœur, sans colère et sans haine.

Je ne te l’ai jamais assez dit, mais je t’aime papa.

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