Marine touchée par l’endométriose : 12 ans d’errance, 20 spécialistes, 5 opérations, des centaines de cachets…

Dites-le avec une lettre

Il y a des choses qu'on aimerait pouvoir écrire... Mais on ne sait pas toujours par où commencer, comment trouver les bons mots, véhiculer la bonne intention. Aujourd'hui, on vous aide à vous lancer et envoyer la lettre parfaite:

Marine a trente ans. La jeune femme est gérante d’une entreprise spécialisée dans la dermopigmentation et la création de prothèses mammaires en silicone destinées aux femmes touchées par le cancer du sein. Après 12 ans d’errance, elle a été diagnostiquée endométriose de stade 4 l’an dernier. En 1 an, la jeune femme a été opérée 5 fois. Elle nous raconte son parcours du combattant pour être diagnostiquée avant de répondre à nos questions.

Le diagnostic de l’endométriose après 12 ans d’errance

En octobre 2021, je tombe malade. J’ai de forts maux de ventre, des nausées et des migraines d’une intensité déconcertante. Mon état se dégrade alors de jour en jour, tandis qu’une masse douloureuse se forme sous ma peau, du côté de mon ovaire droit, provoquant une forte douleur dans ma fosse iliaque.

D’octobre à février 2022, je vais aux urgences toutes les semaines : le kyste en question prend des proportions inquiétantes en quelques jours seulement. On me conseille d’attendre et de prendre des antispasmodiques, arguant qu’il n’y a rien d’autre à faire. Certains médecins vont même jusqu’à suggérer que tout est dans ma tête ! À ce moment-là, je vois un gynécologue qui est juste ignoble. Il pratique une échographie vaginale d’urgence et enfonce la sonde le plus profond possible en me disant « Hein ça fait mal on est d’accord ? ». Victime de violence gynécologique, le rendez-vous est juste abominable.

Suite à ce rendez-vous, je perds énormément de sang, ma douleur empire et je finis aux urgences tous les matins. Au fil des mois, ma souffrance s’amplifie. Je consulte une série de spécialistes, chacun avançant des diagnostics divers : candidose, allergie aux moisissures, pyélonéphrite due à une bactérie particulièrement virulente. Aucun traitement ne fonctionne. Je ressens de plus en plus de douleurs localisées notamment dans l’aine droite. Je fais des malaises, des migraines atroces mais je tiens debout et je fais le nécessaire pour continuer à travailler.

« Je vois en tous une vingtaine de spécialistes pendant ces 3 mois »

Une échographie révèle la présence d’un kyste ovarien de six centimètres et un rein droit en souffrance. Les jours passent et mon état devient critique. Je commence à ne plus savoir marcher seule. J’ai très mal à la jambe droite, fesse, le flanc droit, au poumon, sein droit et au bras, jusqu’à l’œil ! J’arrête de travailler car je ne peux plus tenir assise. Je vois en tous une vingtaine de spécialistes pendant ces 3 mois (octobre novembre décembre 2021), «Vous n’avez rien, hormis une congestion veineuse varicosité pelvienne bilatérale et un épanchement intrapérinéal» me dit-on !

Je subis de graves violences gynécologiques, qui me déclenchent une hémorragie utérine et une déchirure des tissus. Mais je ne suis toujours pas prise au sérieux : j’entends des :
« Faites du sport, sortez, mangez plus de fruits et de l’huile de pépins de pamplemousse. C’est le stress vous vous déclenchez les douleurs, allez à la montagne, faites du vélo, vous êtes jeune ça va passer« . Pendant des mois où je continue à souffrir, le corps médical me m’a laissée-pour-compte, arguant que je n’avais pas d’endométriose mais seulement une légère inflammation du système digestif.

« J’ai une très bonne nouvelle ! Vous n’êtes pas folle ! ».

Après mes nombreuses demandes auprès des médecins, je rencontre un médecin de la douleur. En seulement 10 minutes elle pose un diagnostic « C’est une endométriose sans aucun doute« . Elle me prend d’urgence un rendez-vous avec celui qu’on appelle le chirurgien spécialiste de l’endométriose : le Docteur Sylvain Tassy. À ce moment là, l’ovaire qui était touché par un kyste de 6 cm a laissé place à une lésion de 1,5 cm causée par l’endométriose…

Lors de mon premier rendez-vous avec ce médecin, je suis enfin diagnostiquée après 12 ans. « J’ai une très bonne nouvelle ! Vous n’êtes pas folle ! ». C’est littéralement la phrase qui m’a le plus bouleversée dans ce parcours. Après une cœlioscopie d’exploration, le diagnostic tombe finalement : endométriose de stade 4, avec des atteintes digestives, de l’uretère et du ligament utéro-sacré. Douze années de douleur et trois mois de tourments plus tard : j’ai enfin une réponse. J’ai dû me faire opérer en avril 2022. Une opération à 6 mains (gynécologue, urologue et viscéral). Avec une autre prévue en novembre de la même année. Au total, j’ai été opérée 5 fois.

« Mes années de souffrance auraient pu être évitées si j’avais été informée, écoutée et prise au sérieux. »

J’ai donc cette «maladie à la mode» dont les gens parlent sans même la connaître. Ils en parlent car les médias et les médecins dédramatisent cette maladie «c’est juste des règles douloureuses et des douleurs pendant les rapports», ce que je pensais aussi… Pourtant, des femmes mènent de front ce combat pour faire valoir la maladie, mais à mon sens le message est étouffé. On nous colle une étiquette d’hystérique à tour de bras, alors que notre souffrance est réelle !

Je suis convaincue que mes années de souffrance auraient pu être évitées si j’avais été informée, écoutée et prise au sérieux. J’ai dû me battre pour faire entendre ma voix et enfin tomber sur une équipe qui m’a prise au sérieux à la seconde même ou j’ai juste expliqué mon histoire. Pour être «à la mode», comme ils aiment le dire, ça me coûte dans ma vie sociale, ma vie de couple, psychologiquement, physiquement et financièrement.

L’endométriose au quotidien

Marine a accepté de répondre à nos questions sur ses symptômes, son quotidien avec l’endométriose, la prise en charge de la maladie… La jeune femme a aussi partagé quelques conseils pour les femmes touchées par la maladie.

Quels sont vos symptômes de l’endométriose ? Et comment l’endométriose affecte votre vie au quotidien ?

Mes symptômes sont nombreux : douleurs pelviennes, douleurs lors des rapports, règles très abondantes (hémorragie utérine) et très douloureuses (malaises), problèmes de digestion et de transit, douleurs diaphragmatiques, problème au niveau urinaire, kystes ovariens a répétition, nausée, migraine, douleur jambe, dos, décharge électrique fesse et jambes, infection urinaire a répétition.

Étant à mon compte, je peux adapter mon temps de travail, malheureusement si je suis en sortie et que je mange quelque chose «d’inflammatoire» ça peut être très compliqué car je passe des heures aux toilettes. Lors des règles c’était invivable, j’étais obligée par moments de m’accroupir de douleur (spasme et contraction extrêmement douloureuse). J’ai malheureusement taché mes pantalons à de nombreuses reprises.

Quand est-ce que la maladie vous impacte le plus ? Est-ce qu’il y a par exemple des activités que vous évitez en raison de l’endométriose ? 

La maladie m’impacte le plus lors des rapports intimes, des repas inflammatoires et pendant les périodes de règles. J’évite en général les activités d’eau lors de mes périodes. Toutefois, on m’a toujours mis en tête que j’étais juste douillette, je me faisais donc violence.

Comment gérez-vous la douleur et les symptômes au quotidien ? 

Je les appréhende différemment maintenant que je sais que c’est l’endométriose, je sais que c’est là, que ça va, ça vient et que c’est ok. Je mets tout en œuvre pour gérer la douleur : une alimentation anti-inflammatoire, des compléments alimentaires et un suivi par des spécialistes pluridisciplinaires. 

Qu’est ce qui a changé dans votre quotidien depuis ? Est-ce qu’une nouvelle opération est prévue ? 

J’ai malheureusement eu une éventration suite à la chirurgie cœlioscopie endométriose, j’ai donc un filet à présent pour éviter une nouvelle éventration. Ma peau est très sensible à ce niveau et je dois éviter de porter des choses lourdes.

Je me sens beaucoup moins fatiguée mais je me sens tout de même plus fragile dû à mon éventration à la suite des nombreuses chirurgies endo. J’ai quand même dû réduire mon temps de travail. Heureusement, étant à mon compte j’ai plus de facilité pour adapter mon planning.

Avez-vous eu affaire à des préjugés ou à un manque de compréhension de la part de votre entourage ? 

J’ai la chance d’être très bien entourée, que ça soit par une partie de ma famille et mes amis. Malheureusement (heureusement) la maladie fait un tri, et ça nous permet d’être entourées plus sainement. Au début certains ont eu quelques doutes, car les médecins ne «trouvant» rien, ça remettait en doute mes douleurs et mes symptômes, mais ces doutes ont été très vite dissipés.

Mon compagnon a été très présent et très aidant dans des situations très compliquées et gênantes pour moi, par exemple nettoyer ma sonde, lors d’une hospitalisation, une sacrée épreuve pour un couple, mais il est encore présent aujourd’hui !

Y a-t-il des conseils que vous aimeriez partager avec d’autres femmes souffrant d’endométriose ? 

De s’écouter ! Elles ne sont ni folles, ni douillettes, la douleur n’est pas normale ! J’ai eu la chance de rencontrer une super kinésithérapeute en rééducation périnéale, (qui est maintenant ma collègue) qui a été exceptionnelle, et a su me prendre en charge en entièreté, tant dans l’aspect physique que psychologique. Le yoga, la méditation, la reflexo, avoir une épaule et une oreille et un bon spécialiste est important.

Ma kinésithérapeute a eu l’idée d’ouvrir un centre de soin pour femmes (duquel je fais partie maintenant). Nous y trouvons une psychothérapeute, sophrologue, kinésithérapeutee, ostéopathe, nutritionniste : un pôle qui réunit tout ce dont une femme touchée par l’endométriose a besoin. C’est une réelle prise en charge pluridisciplinaire. 

Car l’endométriose touche tout, l’aspect social, le couple, la nutrition, la perte musculaire post-opératoire, du stress et des angoisses… Je conseille vraiment aux femmes touchées par l’endométriose d’être prises en charge dans l’ensemble de l’humain et non que pour l’aspect physique ! Il faut apprendre à vivre le mieux possible avec, et avoir toutes les clés nécessaires pour avancer avec dans les meilleures conditions.

Pensez-vous qu’on puisse avoir une meilleure prise en charge de l’endométriose ? (Médicalement et financièrement)

Oh oui, malheureusement cette maladie est trop prise à la légère par les médecins car je cite «C’est un effet de mode», en revanche les lésions et les symptômes ne sont pas justes un effet…

Je pense qu’une meilleure connaissance de la maladie auprès des généralistes et des gynécologues éviterait une errance dans le diagnosttic. Et des examens à la chaîne qui ne mènent à rien à part une phase d’incompréhension du patient et de la famille voire pire une phase dépressive pour la non prise en charge.

Pour ma part j’ai dépensé plus de 5000 euros de ma poche. À ce jour beaucoup de personnes ne se soignent par faute de moyens. Mais la maladie, elle, touche toutes les bourses…

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1 réflexion au sujet de « Marine touchée par l’endométriose : 12 ans d’errance, 20 spécialistes, 5 opérations, des centaines de cachets… »

  1. Merci Marine d’être cette voix d’un combat trop silencieux !
    Je trouve ton intervention et ton implication remarquable.
    Je ne fais pas partie des personnes touchées mais j’ai un réel soutien et une réel admiration pour votre force et détermination .
    Ça n’est peut-être pas grand chose mais vous avez tout mon soutien et mes pensées.

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