Avoir des enfants a longtemps été considéré comme un passage obligé pour un couple et une norme pour les femmes. Qu’on veuille vraiment être parents ou non, faire un enfant était une suite logique, une étape incontournable ou une fin en soi. Depuis quelques années, les mœurs changent doucement. Le sujet tabou sur le non-désir d’enfants commence à être de plus en plus assumé. Alors pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants ? La natalité en France va-t-elle chuter dans les prochaines années ? À en croire un sondage récent, 30 % des femmes en âge d’avoir des enfants n’en veulent pas. Et les hommes de moins en moins également. Quelles sont les raisons de cette évolution ?
30% des Françaises ne veulent pas d’enfants selon un sondage
Si la tendance est à la baisse depuis 2010 déjà, les sondages et études n’étaient pas aussi conséquents. En effet, en 2010, dans une enquête réalisée par l’Inserm et l’Ined, seules 4,3 % des femmes déclaraient ne pas avoir d’enfant et ne pas en vouloir.
L’indicateur de fécondité de l’Insee lui, qui calcule le nombre moyen d’enfants par femme en France, a baissé pendant 5 ans, de 2015 à 2020. Il est remonté légèrement en 2021 pour s’établir à 1,83 enfant par femme mais l’étude de 2022 tend à montrer que la tendance ne durera pas.
En 2022, un sondage réalisé par l’institut Ifop et publié dans le magazine Elle le 28 septembre donne de nouveaux chiffres parlants. En France, 30 % des femmes de 18 à 49 ans déclarent ne pas vouloir d’enfants. Il s’agit d’une évolution très importante. Sur l’ensemble des Françaises, elles sont 13% à ne vouloir aucun enfant, contre 2% en 2006 et 4,3% en 2010. Un chiffre qui ne cesse donc d’augmenter.
Alors quelles sont les raisons de ce non-désir d’enfant ou de ce refus de maternité ? Quant aux hommes, s’il n’existe pas de sondage parallèle, ils participent également à cette évolution des mentalités. Mises à part les raisons exclusivement féminines de par leur nature même, les autres raisons de ne pas vouloir d’enfants sont mixtes.
Pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants ? Des raisons féminines
Certaines raisons ne concernent que les femmes car ce sont elles qui tombent enceinte, vivent une grossesse et donnent naissance aux enfants.
Le rapport au corps
Il y a des femmes qui ne veulent pas devenir mères car elles craignent de voir leur corps changer, transformé par la grossesse. Certaines ont aussi du mal à envisager porter la vie, savoir qu’un bébé grandit en elles et qu’elles en sont responsables. C’est donc l’étape de la grossesse qui constitue un véritable blocage.
La peur de l’accouchement
La peur de l’accouchement peut constituer une vraie phobie pour des femmes et les empêcher d’envisager de tomber enceinte et de donner la vie. Il existe, c’est vrai, ce qu’on appelle la césarienne de confort, mais elle n’est pas généralisée. Et puis, pour beaucoup de ces femmes qui ont peur d’accoucher, cela s’accompagne aussi d’une phobie plus large concernant tout ce qui est médical.
Le mythe de l’instinct maternel
Il existe beaucoup de mythes autour du fameux instinct maternel qui le définissent comme une chose innée et inhérente à toutes les femmes. Il n’en est rien. En effet, une femme est avant tout influencée par son histoire et sa place de fille, l’histoire de sa mère et celle des femmes de sa famille.
Le désir maternel quant à lui est lié à son passé, à sa relation avec son père ou avec son partenaire. Il n’y a donc rien d’instinctif dans le désir d’enfant.
Des causes individualistes
Le célibat
De plus en plus de personnes sont célibataires plus longtemps et ne considèrent plus l’amour ou la vie à deux comme une priorité dans leur vie. Pour beaucoup, c’est un choix et donc fonder une famille ne fait pas partie de leurs projets de vie. Pour ceux qui subissent leur solitude affective, le résultat est le même au final. Même s’ils souhaiteraient être en couple et pourquoi pas avoir un enfant, les relations sentimentales actuelles sont de moins en moins propices à un engagement.
Pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants ? A cause de la place du couple aujourd’hui
En effet, les relations de nos jours ne sont plus les mêmes. Les modes de rencontre et de communication, la façon d’envisager une relation et les envies personnelles sont de moins en moins compatibles avec une relation sérieuse. Cette évolution des comportements et des mentalités au sujet du couple a forcément des conséquences sur une possible vie de famille. L’heure n’est plus à l’engagement, que ce soit amoureux ou familial, les priorités individuelles sont ailleurs.
Les couples qui ne veulent pas d’enfantss
Le non-désir d’enfants ne concerne pas uniquement les personnes célibataires. Des couples installés et heureux en ménage assument aussi de plus en plus leur choix de ne pas avoir d’enfants. Ils privilégient leur vie de couple à deux, priorisant leur travail, leurs loisirs, leur vie sociale, les voyages et leur intimité. Une autre réalité est la hausse des familles monoparentales qui deviennent des familles recomposées avec l’arrivée d’une belle-mère ou d’un beau-père qui n’a pas d’enfants biologiques et à qui cela suffit d’avoir un rôle de beau-parent.
Des raisons sociétales qui expliquent pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants
L’avancée du féminisme
La place des femmes dans la société a évolué, notamment depuis l’entrée dans le 21e siècle. Et les mentalités avec. Les femmes ne considèrent plus que la maternité doive les définir ou être le rôle principal de leur vie. Les études plus longues et le travail des femmes a évidemment changé beaucoup de choses. Depuis plusieurs décennies, les femmes avaient des enfants de plus en plus tard. Aujourd’hui, elles sont donc de plus en plus nombreuses à ne même plus envisager ou vouloir être mères.
Une charge mentale et parentale toujours inégale
Si la place des femmes évolue, de fortes inégalités subsistent encore par rapport aux hommes, à tous les niveaux. Et cela se vérifie autant dans la sphère professionnelle que personnelle. Sans enfant, la charge du foyer est déjà plus lourde sur les femmes. Le partage des tâches dans le couple n’est que rarement équilibré. Et on sait qu’avec des enfants, la chose se vérifie avec la charge mentale et parentale toujours plus forte sur la mère. Sans oublier les difficultés à trouver des solutions pour faire garder un enfant et à jongler entre leurs deux vies. Quand l’envie de maternité n’est pas vraiment là, ces contraintes de vie font hésiter et renoncer de plus en plus de femmes à faire un enfant.
La vie professionnelle qui fait que beaucoup ne veulent pas d’enfants
Pour les femmes qui considèrent leur travail comme une priorité, qui se sont battues pour réussir, la difficulté à concilier travail et vie familiale est trop importante. Le sacrifice peut être trop conséquent. Après de nombreuses années d’étude, elles veulent s’épanouir en travaillant et elles savent qu’elles doivent redoubler d’efforts pour gagner leur place. Dans encore trop d’entreprises, avoir un enfant peut faire stagner unecarrière et faire fuir des employeurs. Tous ces facteurs associés ont reculé l’âge des femmes ayant leur premier enfant, jusqu’à faire de ce qui était une priorité il y a quelques décennies pour la majorité d’entre elles par « obligation » une option aujourd’hui.
L’épanouissement personnel comme nouveau leitmotiv
Sommes-nous de plus en plus égoïstes, centrés sur nous-mêmes ? S’il est normal de prendre soin de soi et de vivre une existence qu’on a choisie, la notion d’épanouissement personnel devient si importante qu’elle peut occulter tout le reste. On le voit déjà avec le refus de s’engager, les couples qui ne durent pas, la hausse du nombre de divorces. Le désir de rester libre à tout prix, de faire ce qu’on veut quand on veut, de ne rendre de comptes à personne, et de n’être responsable que de soi-même motivent de plus en plus de personnes. De ce fait, devenir parent est vu comme une contrainte de la part de celles et ceux qui ne veulent pas assumer de responsabilité parentale. Un projet d’enfant n’est plus perçu comme une joie, une réussite ou un accomplissement mais au contraire comme non indispensable, voire même comme une limite à l’épanouissement personnel.
Pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants ? Des facteurs économiques et sociaux
Le contexte économique et social
Le coût de la vie, la baisse du pouvoir d’achat, les salaires qui stagnent, la précarisation du travail, la difficulté à allier vie de famille et vie professionnelle, les prix en hausse avec l’inflation… Même si le désir d’avoir un enfant ne se limite pas à des considérations financières, il faut admettre que cela inquiète. Le contexte économique a forcément des conséquences sur des couples qui craignent donc de ne pas pouvoir assumer financièrement un enfant. La conclusion est que faire un enfant pour qu’il manque de l’essentiel est un choix égoïste et qu’il vaut mieux alors ne pas en faire.
Le climat anxiogène depuis le Covid
La crise sanitaire du Covid en 2020 a bouleversé nos sociétés. Tout le monde a vu sa vie chambouler et pour de nombreuses personnes cela a eu des conséquences sur leur vision de la vie et leurs projets. En 2020, certains pariaient sur un baby-boom post-confinement. Il n’en a rien été. S’il y a bien eu des « bébés confinement », cela n’a pas renversé la tendance. La pandémie a plutôt repoussé les envies de fonder une famille car de nombreux couples se sont séparés ou le climat anxiogène a fait renoncer les couples à faire un enfant. Beaucoup ont préféré un changement de vie professionnelle, un déménagement, un nouveau départ dans lequel les enfants n’étaient pas la priorité.
Un monde qui fait de plus en plus peur : voilà pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants.
Sans être alarmiste ni vouloir tout voir en noir, les crises qui se multiplient inquiètent de plus en plus. Crise économique et sociale donc, pandémie, guerres, instabilités politiques, sans oublier la crise de l’hôpital public et de l’école. Que les causes de ces peurs soient à l’autre bout du monde ou dans sa ville, les sujets d’inquiétudes sont de plus en plus nombreux. Se pose alors la question du bienfondé même de faire un enfant dans un monde qui semble bien triste, bien incertain pour accueillir un bébé dans de bonnes conditions.
Des raisons éthiques qui expliquent que de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants
La surpopulation mondiale
Ne pas avoir d’enfant est un choix éthique pour certaines personnes, de plus en plus nombreuses, qui se sentent concernées par la question de la surpopulation mondiale. Pour elles, la Terre est déjà surpeuplée et les ressources insuffisantes. Si la France n’est pas directement concernée par cet état de fait, les Français qui ne veulent pas faire un bébé pour cette raison voient au-delà des frontières de l’Hexagone et estiment que c’est avoir un enfant qui serait égoïste au vu des presque 8 milliards d’êtres humains qui peuplent la planète.
La crise climatique et environnementale
Dans le sondage Ifop de 2022 évoqué au début de cet article, 39 % des femmes sondées affirment que la crise climatique joue un rôle dans leur non-désir d’enfants. Les sujets de l’écologie, du dérèglement climatique, des catastrophes naturelles ou encore des problèmes de ressources comme l’eau et l’énergie sont des freins à l’idée même de fonder une famille. Pour de plus en plus d’hommes et de femmes, c’est presque un non-sens de faire un enfant et de le voir grandir dans un monde en proie à tant de dangers. Ils considèrent que ce serait une erreur de devenir parents alors que la planète va mal et que le monde part à vau-l’eau. Pour eux, c’est inconcevable de donner la vie dans de telles conditions.
Pourquoi de plus en plus de gens ne veulent pas avoir d’enfants : conclusion
La peur de l’avenir est une des raisons principales de ne pas avoir d’enfants.
Si la place de la femme ainsi que celle du couple dans notre société sont des éléments d’explications importants au non-désir d’enfants, ils ne suffisent pas. L’individualisme grandissant qui occasionne de forts changements de comportements à l’égard du mariage, du couple et de la famille est réel.
Mais en même temps, une autre réalité est apparue ces dernières années en plus de cette vérité. Celle de l’inquiétude d’un monde à bout de souffle dans lequel faire un enfant serait une hérésie. Toutes ces peurs causées par ce sentiment d’insécurité de plus en plus diffus et d’impossibilité à se projeter créent un climat anxiogène. Si pour certains c’est une question d’éthique, pour d’autres de logique, la conclusion est la même pour ces hommes et ces femmes qui ne souhaitent pas devenir parents. Celle de ne pas vouloir prendre cette responsabilité trop grande que d’imposer à un enfant un avenir dans lequel ils ne croient pas eux-mêmes tant il semble incertain.