Le voyant d’Etampes : Le roman brillant d’Abel Quentin

Il est des romans qui vous marquent, profondément. Le voyant d’Etampes en est un et il n’est pas surprenant qu’il ait remporté le prix de Flore 2021. Un roman féroce et jubilatoire, un décryptage fin et intelligent de notre société actuelle. Le genre de roman qu’on voudrait lire plus souvent.

Le voyant d’Etampes d’Abel Quentin : Résumé

« J’allais conjurer le sort, le mauvais oeil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d’Étampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J’allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. » Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l’écriture d’un livre pour se remettre en selle : Le voyant d’Étampes, essai sur un poète américain méconnu qui se tua au volant dans l’Essonne, au début des années 60. A priori, pas de quoi déchaîner la critique. Mais si son sujet était piégé ? Abel Quentin raconte la chute d’un anti-héros romantique et cynique, à l’ère des réseaux sociaux et des dérives identitaires. Et dresse, avec un humour délicieusement acide, le portrait d’une génération.

Le voyant d’Etampes : L’histoire

C’est l’histoire somme toute assez commune d’un universitaire qui prend sa retraite. Désoeuvré et forçant sur la boisson, sa solitude est palpable ; seule sa fille Léonie et son ami avocat Marc semblent proches de lui.

Légèrement imbus de sa personne, Jean Roscoff rêve d’être aimé et reconnu de tous mais n’a, jusqu’à présent, jamais brillé. Au contraire, il a déjà été la risée du milieu intellectuel après la sortie de son livre qui innocentait le couple new-yorkais communiste et espions soviétiques, les Rosenberg. En effet, le jour même de sa parution, des preuves accablantes de leur crime avaient été publiées un peu partout.

A 65 ans, Roscoff veut se reprendre en main et effacer ce premier échec. C’est ainsi qu’il se lance dans l’écriture d’une biographie sur Robert Willow, un poète américain méconnu.

Ce roman qui est voué à passer inaperçu malgré le rêve inavouable de Roscoff d’une reconnaissance médiatique, va faire l’effet d’une bombe. Ah oui, médiatiquement parlant, on va en parler.. Mais pas comme il l’avait envisagé !

Le voyant d’Etampes ou la descente en Enfer

Le voyant d’Etampes, titre de la biographie sur Robert Willow, ne répond en rien à la culture Woke en pleine ascension depuis plusieurs années. Jean Roscoff, profondément antiraciste, devient victime d’une chasse à l’homme pour avoir vu en son personnage principale, un poète américain et communiste avant un homme noir.

Le voyant d’Etampes : Mon avis

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu un roman aussi brillant. Abel Quentin parvient avec humour et finesse, à décrypter la cancel culture, et l’idéologie woke qui sévit depuis quelques années aux Etats-Unis et qui grandit en France. Il parvient à aborder des sujets graves et complexes ; la censure, la liberté d’expression, la construction de l’identité, la radicalité des wokistes, le danger des réseaux sociaux, le harcèlement en ligne et la violence …

Il démontre également avec brio le déferlement médiatique et ses techniques bien rodées : les bouts de phrases bien choisis, incriminants que l’on sort volontairement de leur contexte, le buzz toujours le buzz plutôt que la réflexion et la nuance, les interviews qui ressemblent davantage à des mises à mort…

Enfin, j’ai été admirative de la grande culture d’Abel Quentin et des recherches qu’il a dû entreprendre car il prête sa plume à un narrateur âgé de 65 ans, gauchiste, mittérandien, antiraciste, tandis que lui, auteur, doit avoir la trentaine et n’a pas vécu dans ce monde qu’il décrit pourtant avec une étonnante justesse.

Abel Quentin, c’est un peu un mixte entre Despentes (en moins trash bien sûr) et de Philippe Roth. Un nouveau génie de la littérature ? Très certainement !

Le voyant d’Etampes d’Abel Quentin : Quelques extraits

Parce que la vie était trop courte pour se méfier, la méfiance et le ricanement étaient deux cancers qui tuaient la générosité chez celui qui les sécrétaient mais aussi chez celui qu’elles visaient ils étaient deux maladies contagieuses

De la même façon qu’elle avait habillé en couleurs chatoyantes ces déconvenues sentimentales, c’est ainsi qu’elle concluait le récit de chacun de ses retentissants échecs : « C’est ce qui pouvait m’arriver de mieux dans la vie. » A l’entendre, chaque gadin était une aubaine formidable

Ce n’est pas parce qu’on décrète l’égalité que cessera la vieille domination. Il faut traquer l’inconscient raciste, il faut sonder les regards, en psychanalystes. Sont-ils, ou non, des regards racisants? Tout évènement social pouvait être lu à l’aune de cette nouvelle lutte, qui ringardisait celle de la bourgeoisie et du prolétariat. Qui la pulvérisait, même. L’ouvrier agricole languedocien payé une misère n’était plus un damné de la terre, il ne pouvait plus prétendre n’avoir rien : il jouissait du privilège blanc.

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