D’après une histoire vraie, Delphine de Vigan : Critique

Pendant mes vacances en Colombie, j’ai dévoré le dernier livre de Delphine de Vigan: d’Après une histoire vraie. Je vais ici poser les questions qui me sont venues à l’esprit durant la lecture. N’hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires si vous l’avez lu aussi 🙂

Résumé

Le roman commence comme une autobiographie : Delphine de Vigan assure les retombées éprouvantes de son dernier roman avec tout ce que cela soulève. Très vite, la pression l’envahit : elle doit écrire un nouveau roman mais que peut-on écrire après « ça » ( Rien ne s’oppose à la nuit). Lors d’une soirée parisienne, elle rencontre L avec qui Delphine va tisser une amitié… Une amitié néfaste. D’après une histoire vraie est un Thriller déroutant alliant des bribes de vie privée de l’auteure (Comme ses amis et anciens camarades khâgneux qui sont aujourd’hui des écrivains célèbres : Agnès Desarthe, Serge Joncour…) ainsi que des morceaux de fiction pure : mais lesquelles ?

Ma lecture en vrac (ATTENTION SPOILER)

Je vais vous remettre exactement ce que j’ai écrit après avoir fini le livre : ce n’est pas construit, ça sort du coeur !

Pendant toute la lecture,non seulement on se demande si Delphine a créé ce personnage de L de toutes pièces, si elle a fait un transfert, une sorte de diable et d’ange, si elle a essayé de se suicider, mais aussi si c’est elle ou L qui a écrit le livre et aussi si finalement L était bien réelle… ?

Est-ce que L est réelle dans la vraie vie ? Est ce que L est réelle dans la fiction ? Est ce que L a été créé dans la vraie vie par la romancière lors d’une période de doute après son roman à succès ?

DDV trouble son lecteur qui se perd totalement.

Au premier quart du roman je me suis dit  » non, non, non pas elle, pas DDV, elle ne peut pas tirer des ficelles aussi grosses, elle nous a habitué à mieux. » Je pensais naïvement a une fin à la Fight Club, que la romancière plaçait le décor avec précaution, pour nous expliquer à la fin que tout ça n’était que pure invention, pure folie,  » pure fiction » si on re-prend l’expression. Je voyais bien le petit jeu habile : comme par hasard, L, ne rencontrait jamais ses proches et comme par hasard aucune photo, pas même un petit selfie pris à la dérobée, rien, aucune preuve de son existence. C’était un peu facile. J’ai donc décidé de lire autrement, de lire en me persuadant que je connaissais la fin ( et que la fin n’était autre que la découverte de la folie de l’auteure ou tout du moins du personnage composé à partir de cette dernière : la romancière s’était inventé un double attirant mais aussi paralysant ).

Mais certains indices m’ont fait changer d’avis : Delphine de Vigan sait y faire il n’y a pas à dire. Les détails de L, ses théories sur la littéraire qui semblaient diverger de celles de l’auteure, l’odeur de L dont l’auteure parle souvent, la description précise de ses vêtements et ses monologues rapportés avec minutie et puis surtout lorsque l’on apprend qu’elles étaient en Khâgne ensemble. C’est à ce moment-là notamment et à cause de ce moment-là que pour moi et pour mon interprétation personnelle, L était bien réelle dans la fiction. En effet, l’auteure/narratrice nous explique que L était malade ce jour-là, on a donc une explication logique, on veut que le lecteur ait une explication logique… Pour mieux le perdre par la suite en fait.

Pour moi le dénouement se trouve à la page 448.

L’auteure cherche à prouver qu’on ne peut rien prouver. On se demande pendant toute la lecture si L est inventée ou non, si L est inventée dans le réel ou dans la fiction ou si elle existe dans le réel.

Le livre se termine par FIN avec l’astérisque qui ne renvoie à rien ( marque de fabrique de L lorsqu’elle écrit les autobiographies des auteurs ( oui oui les autobiographies non pas les biographies).

Les lettres anonymes dont le lecteur est quasiment persuadé que leur auteur n’est autre que L.

Des détails comme le poisson mort à la fin nous font penser que L, que ce soit dans la fiction ou le réel, est bien vivante, bien réelle dans l’intrigue.

Tout est troublé, L écrit pour les autres, leur autobiographie, mais on sent pendant tout le roman qu’elle veut que Delphine se mette a réécrire. Pourquoi ? Pour elle? Pour Delphine ? ( d’où la question aussi : l’auteure ne se faisait-elle pas la morale tonte seule ?) mais quand Delphine se casse la cheville, elle ne pourrait pas faire les courses ni monter et descendre les étages seule donc L doit bien exister ?!

Et puis ensuite elle brouille encore plus les pistes, alors qu’à un moment donné, le lecteur se demande si finalement, L ne va pas écrire le livre sur la vie de Delphine à la place de Delphine, c’est finalement Delphine qui souhaite écrire sur la vie de L.

Le lecteur est, au cours de la lecture, de plus en plus déstabilisé, prêt à chopper n’importe quel détail pour élucider le mystère.

La romancière s’attelle à nous donner des détails de sa vie ( que tous les lecteurs un peu assidus connaissent ) en les brouillant avec d’autres détails de sa ( vraie ?) vie qui pourraient en tous cas s’avérer véridiques ( les conférences, les journalistes qu’elle rencontre, la phobie décrire, les lettres anonymes). Mais nous ne saurons jamais ce qui est vrai dans la vie réelle et ce qui ne l’est pas.

Mais finalement n’est ce pas trop bien ficelé ? Ne voit-on pas vraiment les ficelles durant tout le long? Même si le roman nous tient en haleine et que je devenais presque folle en le lisant tant je cherchais à savoir où l’auteure nous emmenait. Mais avec un peu de recul post lecture , ce que disait le personnage de L. Sur la véracité d’un propos, (bien que cela puisse paraître de la curiosité mal placée voire du voyeurisme, je pense personnellement que c’est plus de l’empathie, une forme de transfert du lecteur sur un écrivain qu’il admire) est important, de plus en plus important. C’est pourquoi j’ai versé tant de larmes, me suis rappelée des souvenirs personnels, ai été angoissée puis terrifiée puis apaisée par Rien ne s’oppose à la nuit. Ce nouveau roman est un roman à étudier, et peut-être même à relire ( comme un film dont on n’aurait pas perçu les infimes singularités, à la Inception). Mais il est aussi assez frustrant car comme je le disais plus haut, cette question reste en suspens : qu’est-ce qui est vrai ? ( c’est ce que DDV souhaitait et c’est bien joué).

DÉROUTANT

On dirait que la romancière se pose des questions à elle-même, notamment : un auteur doit-il créer la fiction ou puiser dans sa vie personnelle et réelle ? La fiction peut-elle être dépassée par la réalité ? Le lecteur sait-il réellement si ce qui est raconté est tiré du réel, fictif, ou un mélange délicat des deux ? Les lecteurs sont-ils intéressés par une intrigue fictive ou est-ce l’histoire vécue qui les passionne ? La narration façon autobiographique et réelle suffit-elle à satisfaire des lecteurs avides de vérité ?

Nous savons que le premier roman de Delphine de Vigan est largement inspiré de sa vie (anorexie, hôpital…), tout comme son dernier Rien ne s’oppose à la nuit dans lequel, d’ailleurs, elle ne cesse de rappeler à ses lecteurs qu’elle tente d’atteindre la vérité mais que sa subjectivité, ses émotions, son amour et d’autres facteurs viennent entacher cette quête de vérité. Néanmoins, si son objectif premier n’est pas rempli,  DDV arrive parfaitement dans ce livre à nous exprimer sa vérité à elle, avec tout ce qu’elle contient. Dans ce nouveau roman, la romancière se place à nouveau à la première personne du singulier, c’est ainsi qu’elle place sa narratrice, souhaitant clairement dérouter le lecteur ( pendant quelques pages, nous sommes quasiment certains qu’il s’agit d’un roman autobiographique). Ce que veut la romancière dans ce roman, c’est brouiller les pistes, afin de prouver la finesse extrême de la frontière entre fiction et autobiographie. (En plus, sur sa photo de couverture, il s’agit bien des trois photos d’identité dont elle parle dans le roman).

Dans la « vraie vie » Delphine s’appelle bien Delphine, son compagnon porte bien le nom de François et est bien critique littéraire, la romancière a bien deux enfants, sauf qu’il ne s’agit pas de jumeaux. Bref, tout est fait pour dérouter le lecteur.

Toutes les questions de l’angoisse de la page blanche, de la dépression, de l’après best-seller, de l’exclusivité de l’amitié, de la domination intellectuelle … sans que l’on sache à aucun moment si l’auteure qui place son récit à la première personne du singulier a véritablement vécu l’histoire contée ou l’a inventée de toutes pièces … tout en distillant quelques éléments de sa vie privée, connus du grand public … ça rend presque barge ! 😀

Ai-je aimé ?

Je ne pourrais pas dire que je n’ai pas aimé, ni que j’ai adoré. J’ai sincèrement apprécié le mystère et le fait d’attendre l’élucidation du mystère. J’ai dévoré le roman, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. Toutefois, je trouve que c’est un roman assez académique et, personnellement (comme beaucoup de monde j’imagine), j’ai trouvé le roman parfois tellement bien ficelé qu’il en perdait selon moi, l’émotion des précédents livres de l’auteure.

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