La possibilité d’une île : Une réflexion sur l’amour

J’avais lu La possibilité d’une île à mes 16 ans et je n’avais pas compris grand chose. En le relisant, j’ai compris pourquoi je n’avais rien compris et je fus heureuse de l’avoir ressorti et relu car il en vaut vraiment la peine ! Ce roman, très noir, très cynique et sinistre dépeint pourtant avec détails et réalité notre société en analysant l’être humain, l’amour, la religion, le bonheur, le désir… Roman d’anticipation ? Clairement. Mais j’y vois aussi nettement un essai qui, par le biais de la fiction, tente de nous mettre en garde… Contre nous-même.

Résumé

La quatrième de couverture est la suivante :

« Roman d’anticipation autant que de mise en garde. La possibilité d’une île est aussi une réflexion sur la puissance de l’amour. Vite vient l’envie de comparer sa propre lecture à celle des autres. S’il est des livres que l’on a envie de garder pour soi, il n’en est décidément rien avec ceux de Houellebecq, comme s’ils offraient, à chaque fois, la possibilité d’une confrontation », Franck Nouchi – Le Monde.

« Ce roman vous ébranle profondément. C’est la force visionnaire d’un Aldous Huxley et la cruauté d’un Evelyn Waugh. Un taureau enragé dans le magasin de porcelaine de la fiction contemporaine », David Coward – Times Literory Supplement.  »

Michel Houellebecq fait là du grand art tant son écriture est honnête, précise, crue et vraie. Au-delà des thèses sur la fin des religions ou le rêve d’un Homme Nouveau, il s’agit surtout d’un livre sur la peur« , Volker Weidermann – Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.

Ainsi, pas de réel résumé, simplement les critiques. Pourquoi ? Parce qu’il est monstrueusement difficile de résumer un tel roman ! La possibilité d’une île commence par le récit de vie de Daniel 1, être humain, comme vous et moi. Ce récit de vie est lu et commenté des millénaires plus tard par ses descendants néo-humains (clones de Daniel,1) : Daniel 24 puis Daniel 25. Daniel 1, l’être humain croise la secte des élohimites, qui croient en la vie éternelle et qui souhaitent cloner les hommes du futur directement dans un corps d’adulte de 18 ans. A la tête de cette secte, un prophète idiot et ses trois bouffons (Humoriste, Savant et Flic). Trois siècles plus tard, les travaux aboutissent et les premières générations néo-humaines voient le jour. Ces néo-humains passent leur temps à écouter les récits de vies de leur prédécesseurs humains. Ces néo-humains ne connaissent plus ni larmes, ni joie, ni désir. Il existe encore des sauvages sur la Terre, qui ont pour seul point commun leur désir de sexualité, de violence et de jeunisme.

Ça ne vous donne pas envie ? Je comprends, parce qu’on ne peut pas résumer La possibilité d’une île. Il faut le lire pour le comprendre !

Mon avis

Je parle de ce roman ici car pour moi, c’est avant tout la réflexion de Houellebecq sur l’amour et le désir qui prime dans La possibilité d’une île (bien qu’il y ait énormément d’autres thématiques abordées et creusées comme la morale, la religion, le bonheur, la résurrection, le jeunisme).

Ecrit avec virulence et virtuosité, le narrateur qui semble parfois manquer grandement d’empathie réussit pourtant à nous émouvoir voire, à éveiller notre pitié.

Clairement misogyne sur certains points, réactionnaire sur d’autre, ce roman n’en reste pas moins une véritable oeuvre d’anticipation.

Lorsque Daniel 1 raconte sa vie d’un roi de la scène et du monde du spectacle, il nous livre sa vision de la société et des relations humaines et, notamment, des femmes. Ce portrait ultra critique de notre société est parfois atroce à lire tant on s’y retrouve. L’auteur parle énormément du culte de la jeunesse. Sa compagne, Isabelle, rédactrice en chef d’un magazine de mode pour jeune lui dit un jour :

« Tu connais le journal où je travaille : ce que nous essayons de créer c’est une humanité factice, frivole, qui ne sera plus jamais accessible au sérieux ni à l’humour, qui vivra jusqu’à sa mort dans une quête de plus en plus désespérée du fun et du sexe ; une génération de kids définitifs. Nous allons y parvenir, bien sûr ; et dans ce monde-là, tu n’auras plus ta place. »

 

Daniel 24, Daniel 25… Eux, des millénaires plus tard, commentent et analysent le récit de vie laissé par Daniel 1. Ces commentateurs néo-humains se demandent ce qu’est l’amour dont Daniel 1 parle si souvent, qu’est-ce que le sexe ? Qu’est-ce que la souffrance ? Que ressent-on lorsque l’on vieillit ? (…) Des questions finalement existentielles qui trouvent parfois leur réponse dans des hypothèses, et qui, parfois, restent totalement floues.

 

Quelques extraits

« La solitude à deux est l’enfer consenti. Dans la vie du couple, le plus souvent, il existe dès le début certains détails, certaines discordances sur lesquelles on décide de se taire, dans l’enthousiaste certitude que l’amour finira par régler tous les problèmes. Ces problèmes grandissent peu à peu dans le silence, avant d’exploser quelques années plus tard et de détruire toute possibilité de vie commune. »

« Quelque chose en moi savait donc, avait toujours su que je finirais par rencontrer l’amour – je parle de l’amour partagé, le seul qui vaille, le seul qui puisse effectivement nous conduire à un ordre de perceptions différent, où l’individualité se fissure, où les conditions du monde apparaissent modifiées, et sa continuation légitime. »

« Aucun sujet n’est davantage abordé que l’amour, dans les récits de vie humains comme dans le corpus littéraire qu’ils nous ont laissé ; l’amour homosexuel comme l’amour hétérosexuel sont abordés, sans qu’on ait pu jusqu’à présent déceler de différence significative; aucun sujet non plus n’est aussi discuté, aussi controversé, surtout pendant la période finale de l’histoire humaine, où les oscillations cyclothymiques concernant la croyance en l’amour devinrent constantes et vertigineuses. »

« Ce n’est pas la lassitude qui met fin à l’amour, ou plutôt cette lassitude naît de l’impatience des corps qui se savent condamnés et qui voudraient vivre, dans le laps de temps qui leur est imparti, ne laisser passer aucune chance, ne laisser échapper aucune possibilité, qui voudraient utiliser au maximum ce temps de vie limité, déclinant, médiocre qui est le leur, et qui partant ne peuvent aimer qui que ce soit car tous les autres leurs paraissent limités, déclinants, médiocres. »

« Je savais maintenant avec certitude que j’avais connu l’amour, puisque je connaissais la souffrance. »

« Quant à l’amour, il ne fallait plus y compter : j’étais sans doute un des derniers hommes de ma génération à m’aimer suffisamment peu pour être capable d’aimer quelqu’un d’autre, encore ne l’avais-je été que rarement, deux fois dans ma vie exactement. Il n’y a pas d’amour dans la liberté individuelle, dans l’indépendance, c’est tout simplement un mensonge, et l’un des plus grossiers qui puisse se concevoir ; il n’y a d’amour que dans le désir d’anéantissement, de fusion, de disparition individuelle, dans une sorte comme on disait autrefois de sentiment océanique, dans quelque chose de toute façon qui était, au moins dans un futur proche, condamné. »

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