« Sapphire (ou le conte bleu) » Ecrit par Maureen

C’est la première fois que je publie un conte sur ce site. Prenez le temps de le lire, imprimez-le, et dégustez-le dans un endroit où vous vous sentez bien. Ce conte plaira tant aux enfants qu’aux adultes. Il nous berce et nous transporte dans un univers aussi bien enchanteresse que cauchemardesque. J’ai pris beaucoup de plaisir à le lire, j’espère que vous en prendrez autant!

Merci Maureen!

 

SAPPHIRE

(ou le conte bleu)

 

À Geogies. Joyeux anniversaire, mon frère! (29/10/12)
       Et à tous ceux qui possèdent un cœur d’enfant.

   Il était une fois, à l’intérieur du flamboyant crépuscule, un pays noyé dans une nuit éternelle. Un océan de nuit. Les habitants de ce lieu de ténèbres n’avaient jamais rien connu d’autre que la noirceur. Ils n’avaient jamais connu ni la lumière, ni les couleurs, ni une quelconque autre beauté de la nature que ce soit. Pas même la lune et les étoiles. La nature était de charbon et de brume, de cendres et aussi de bourbe, de fange. Et tout le monde était malheureux. Tous ces habitants nocturnes étaient habités par la nuit. Cet univers cauchemardesque était un monde chaotique. On aurait dit un abîme obscur.
   Les habitants de cette étendue nocturne avaient tous la peau d’ébène, les cheveux et les yeux noirs. Mais en ce noir océan, il existait une petite beauté d’ébène, dotée de prunelles bleues et lumineuses comme le saphir. La petite s’appelait Sapphire et c’était un précieux bijou, un véritable trésor humain. Aucune gens ne passait sur le chemin ténébreux, sans se retourner pour contempler la lumière bleue de ses prunelles. Personne ne pouvait passer sans être ébloui par ce bel ange d’Éden. Et Sapphire, depuis sa naissance, avait toujours été l’objet de cette fascination collective. Mais aussi la victime de quelques regards envieux.
   La mère de Sapphire lui contait chaque soir de belles histoires. Sur la lune et les étoiles, sur l’aube et l’aurore, et le soleil, et le fruit logique de l’aurore, le frais et sublime matin. Oh le Matin! Sapphire avait toujours rêvé d’en voir un et pourquoi pas plusieurs et pourquoi pas des milliers…?!
La mère de Sapphire fabriquait des bijoux pour Sa Majesté la Reine ; une femme cruelle qui se moquait délibérément que son peuple vive éternellement dans la misère. Elle ne désirait pas la lumière car elle estimait qu’Elle était Lumière.

   Un jour, la Reine (Sulfuria qu’elle s’appelait), lasse de toujours porter les mêmes bijoux mornes (et surtout jalouse de toute l’admiration vouée à une minable gamine de pacotille), demanda à sa bijoutière, la mère de Sapphire, de lui confectionner des boucles d’oreilles avec les iris de sa fille. La mère de Sapphire fut horrifiée. Mais, rien n’était plus horrifiant que l’ire de la Reine, alors la mère de Sapphire promit de lui ramener les prunelles de sa fille.
   Bien sûr, Yénor (c’est ainsi que se prénommait la maman de Sapphire), tenait à sa fille comme à la prunelle de ses yeux et ne pouvait évidemment pas remplir de vacuité ses orbites, en lui arrachant la seule beauté qui existait en ce pays de ténèbres. Yénor s’en voulut d’avoir grondé Sapphire quand la petite lui avait demandé pourquoi est-ce qu’il n’était pas possible de sortir un jour de cette mer de nuit. Le fait est que la Reine Sulfuria avait strictement interdit que les parents divulguent des sornettes dans son royaume (en faisant croire à leurs enfants qu’existaient lune, astres, aurore, soleil, matin, et tout le saint-frusquin bidon).
   Yénor ne voulait pas perdre sa petite fille, comme elle avait perdu son homme Fama (le père de Sapphire), il y a des années de cela. Son tant aimé Fama, qui avait disparu dans de bien étranges circonstances, inconnues de tous, uniquement sues par la Reine Sulfuria. Yénor entreprit donc de s’enfuir avec son cher enfant. Mais pour aller où? Il n’existait nulle part où aller. Eux-mêmes vivaient au milieu de Nulle Part. Yénor était une artiste, alors, elle confectionna une grossière imitation des globes oculaires de Sapphire. Elle les présenta au Château, dans l’espoir que son chef d’œuvre soit accepté. Il n’en fut rien. Sulfuria vit clair dans son jeu. Cachée dans un coin de la grande salle d’accueil du Palais royal, Sapphire, avec ses prunelles de lumière bleutée, vit sa mère se faire violemment flageller par la Reine.
« Es-tu donc idiote à ce point pour penser pouvoir me tromper, espèce de misérable ingrate! Toi Yénor, à qui j’ai tout donné! Tu paieras ton crime abominable! Tu seras condamnée à passer le restant de tes jours au fond de l’endroit le plus étroit et le plus noir! Plus noir que la nuit mais moins noir que mon cœur! Et tu y crèveras! Tu seras jetée dans le Placard à Ombres, Yénor! Et ainsi, tu pourras demeurer éternellement auprès de ton cher et tendre Fama! »
   Sulfuria, avec son gros coq ténébreux assis sur sa tête en guise d’ornement, avait ensuite éclaté de rire, d’un rire sarcastique et noir. Le Placard à Ombres était une sorte de gigantesque boîte, semblable à un tombeau à l’apparence d’un meuble, dont l’intérieur ténébreux abritait des ombres démoniaques. Et toutes les personnes qui y étaient jetées, étaient aussitôt englouties et savoureusement dévorées par ces Ombres. Les Ombres du Placard étaient toujours très affamées et Sulfuria prenait un plaisir mesquin à les nourrir.
   La mère de Sapphire sanglota, et, disant à la Reine qu’elle était prête à subir n’importe quoi, la supplia de ne pas faire de mal à sa petite fille. La Reine soutint que sa précieuse enfant périrait à son tour. Entendant ces paroles, Sapphire s’enfuit le plus vite possible du château et réussit à échapper aux gardes. Elle courût, elle courût, le plus vite qu’elle put, et alla retrouver sa grand-mère Waris qui vivait au fond des noirs bois. Sapphire expliqua tout à sa grand-mère et lui dit, toute en larmes la pauvre petite, qu’il fallait absolument sauver sa chère maman! Waris était sage. L’aïeule savait des choses que la plèbe ignorait. Et elle connaissait le secret de la Reine.
« Calme-toi, mon saphir, dit la douce aïeule. Il existe en cet enfer un paradis perdu. »
   Sapphire ne comprenait guère ce que son aïeule voulait dire. Aussi elle la pria de ne pas parler en parabole comme elle savait si bien le faire et de lui expliquer ce que ses paroles signifiaient concrètement.
« Cette nuit est infinie. Mais au bout de cette nuit, il existe une lumière. C’est le trésor perdu de la reine. Elle ne peut le retrouver car elle a le cœur noir. Seules les âmes lumineuses et bleues comme la tienne, peuvent le retrouver. Tu es la seule, Sapphire, à pouvoir trouver la lumière. Si tu réussis à atteindre cette lumière, la Reine laissera Yénor en paix et se concentrera sur le trésor. Je t’accompagnerai jusqu’au Palais des Ténèbres, mon enfant, pour aller dire à cette sulfureuse Sulfuria, que tu sais ce qu’elle désire le plus au monde et également que tu es consciente que tu es la seule et l’unique à pouvoir le trouver. Ainsi, elle ne pourra te faire aucun mal, et ne faire aucun mal à ma fille Yénor. »

   Et il en fut ainsi.

 
« Je vous ramènerai la Lumière, dit Sapphire, que vous désirez avoir pour être Lumineuse. Je vous la ramènerai, Votre Majesté. Et en retour, il vous faudra épargner ma mère.
– Et bien soit! dit la Reine Sulfuria avec son air dédaigneux et hautain. Ramène-moi mon trésor et je te redonnerai ta mère saine et sauve.
– Où dois-je aller le chercher? demanda Sapphire avec sa candeur enfantine.
– Il existe dans le ciel noir, une onde étoilée, mais cependant invisible, enveloppée dans un vaporeux nuage de brume. Trouve le nuage. Vas dans l’eau constellée et ramène-moi mon trésor. »
   Sapphire acquiesça et partit avec son aïeule. Waris était trop vieille pour accompagner sa petite-fille. Mais elle était une vieille sorcière. Une bonne sorcière ; elle avait pour compagnons son fidèle djinn Tikoun et son tendre alcyon (oiseau de mer) Sterren. Tikoun, doté d’un esprit vif et enchanté, ferait usage de ses pouvoirs magiques en cas de besoin. Sterren, créature géante à la fois de l’éther et des ondes, devait porter Sapphire sur son dos et la conduire dans le ciel, puis au fin fond de l’eau.
   Avant que la petite ne se mette en route, l’aïeule n’oublia pas de lui prodiguer de précieux conseils.
« Sache-le : la Reine est cruelle et ne te crois aucunement capable de retrouver le trésor. Ce qu’elle veut, c’est ta mort. Elle veut juste s’emparer de tes yeux. Avec cela, elle pourra avoir de la couleur et de la lumière dans son apparence, ce qui n’existe pas chez nous et ce qui n’existe pas en elle. Tu souffriras. Tu devras faire face à de nombreux obstacles. Quand tu arriveras au Nuage de Brume, sache que cette nue est maléfique. Elle est dotée d’une senteur si délicieuse, qu’elle te semblera enchanter tous tes sens. Mais ce n’est que du poison hypnotique. Il te faudra retenir ta respiration, jusqu’à ce que tu sortes de ce nuage brumeux. Une fois sortie de la nue odoriférante et empoisonnée, tu verras devant toi une eau ruisselante d’astres, l’Onde des Constellations. Mais celle-ci est gardée par la nixe Mamiwata. Mamiwata te donnera une énigme à résoudre, elle te posera une question-piège. Si tu ne parviens pas à y répondre, elle te dévorera toute entière et portera ensuite tes prunelles à Sulfuria. Pour résoudre cette énigme, il te faudra chercher au plus profond de ton cœur. La réponse se trouve dans ton cœur et dans tes yeux. Mais il te faudra répondre en un temps record. N’aie pas peur, Sapphire. Sois forte. Si tu trouves la clé du mystère, Mamiwata te donnera une clé magique. C’est la Clé du coffre fort, renfermant cette fameuse lumière, ce précieux trésor. Rien d’autre ne peut l’ouvrir… Dans un sac que tu emporteras, tu mettras la Lumière. Et tu la porteras ensuite à la ténébreuse Reine. Mais il faudra te dépêcher, sinon Mamiwata fera de toi son repas. Fais attention à toi, Sapphire. N’aie pas peur, ma chérie. J’ai confiance en toi. Aies confiance en toi. »
   Puis l’aïeule posa un doux baiser sur son front, et offrit une caresse à Tikoun et Sterren, tout en leur disant de veiller sur sa petite-fille. Le djinn et l’alcyon promirent de ne pas la décevoir. Et Sapphire jura à Waris qu’elle ramènerait la Lumière.
   Tikoun sur son épaule, Sapphire s’assit sur le dos de Sterren. Le géant et sublime alcyon déploya ses grandes ailes d’une couleur océane cendrée, puis s’envola vers l’immensité noire du ciel opaque. Le djinn Tikoun sortit de sa petite poche une minuscule cora et en joua pour bercer le cœur de Sapphire et rendre le vol plus léger et doux à Sterren. Puis, il chanta la chanson que Waris chantait souvent :
                                                     Dans un monde tout noir
                                                   Il existe un cœur tout bleu.
                                                       Cœur chargé d’espoir,
                                                 Apportant des jours heureux.
                                                     Dans ce monde de nuit,
                                               Où tout est ténèbres et noirceur…
                                                    Existe une lumière qui luit,
                                                 Elle est en toi, p’tite Sapphire.

   Sapphire était émue, à ses yeux perlaient d’étincelantes larmes. Cette mélodie lui fit songer à sa douce mère Yénor, qui l’avait composée pour elle et la lui chantait depuis le berceau. Tikoun et Sterren lui dirent des mots de réconfort et Sapphire s’efforça de sourire non sans un serrement au cœur. Tandis que l’alcyon poursuivait son vol, le djinn et la petite beauté aux yeux de saphir virent le coq noir de Sulfuria venir vers eux. Ils frissonnèrent de peur. Le coq posa effrontément ses pattes crochues sur la tête de Sterren et informa Sapphire qu’elle n’avait qu’un jour pour lui ramener la Lumière. En un claquement de doigts, Tikoun jeta une poussière brillante sur l’effronté de coq noir et il se dissipa comme de la fumée.
   Les yeux de saphir de la petite beauté d’ébène perçurent une sorte de brume arachnéenne. Une vapeur d’arôme délicieux, comme s’il émanait d’une fleur du paradis. L’odorat de Sapphire fut titillé dangereusement, elle ne put s’empêcher de dilater ses narines pour humer cette exquise odeur. Elle se rappela soudainement des paroles de mémé Waris et annonça à l’oiseau marin Sterren qu’ils allaient pénétrer dans le Nuage de Brume.
« Il ne faut pas respirer! dit-elle. Retenez-votre souffle jusqu’à ce qu’on sorte! »
   Sapphire, Tikoun et Sterren retinrent leur respiration et avancèrent peu à peu dans la nue brumeuse. Le nuage était si fin et léger et tous les trois pourraient facilement succomber à la tentation de sentir sa fragrance. Courageux, ils arrivèrent au bout du nuage parfumé. Les djinns, comme les fées et les elfes, se nourrissent de l’odeur des mets ou des fleurs. Tikoun mourrait déjà de faim et voulut ouvrir la bouche et les narines. Sapphire le remarqua, et surprise, faillit parler pour l’en dissuader. Elle ne dit rien, mais, sous le choc de la peur et de la surprise, une once de la senteur empoisonnée entra dans son nez et se diffusa par petites bouffées dans ses poumons. Sapphire étouffait mais bientôt, la petite fille, son djinn et son alcyon échappèrent à ce supplice.
« Oh mille pardons, petite Sapphire! Mille et une excuses, fille aux yeux de saphir! s’exclama Tikoun, confus et honteux.
– Ce n’est rien, Tikoun! » lui assura gentiment Sapphire en toussotant, une contraction douloureuse à la poitrine.
   L’alcyon Sterren plaignît le djinn pour son absurde comportement. Et Tikoun s’excusa encore. Puis, déployant sa magie, il fit apparaître une petite fiole contenant une potion réduisant la douleur et empêchant la substance sulfureuse de se diffuser dans les appareils respiratoires de Sapphire, mais ne la taisant pas totalement. Sapphire avala la potion magique, dont le mauvais goût lui fit crisper son doux visage.
   Ses compagnons et elle distinguaient à présent très clairement la fameuse eau étoilée, l’Onde des Constellations, qui semblait planer dans l’air. Soudain, une tête de femme à l’abondante chevelure de vagues d’encre surgit de l’eau. Une dame à la peau écailleuse et gluante, y sortit pareillement, et elle se tenait debout sur sa tête, en esquissant un effrayant sourire de ses dents de requin.
« Oh! s’exclama-t-elle. Quelle adorable petite fille! Très bonne à croquer! Hi hi! Comme je suis contente de vous recevoir, surtout toi… Sapphire. Je t’accueillerais volontiers dans ma large panse. Miam! »
   Elle se pourlécha ses lèvres vertes et craquelées de sa langue de serpent. Mamiwata se délectait d’avance, à l’idée d’avoir un majestueux festin. Mais son humour morbide n’était pas du goût de la petite Sapphire. Son alcyon mourrait de soif et voulut boire un peu de l’eau de l’Onde des Constellations. Mamiwata répliqua qu’il fallait d’abord que Sapphire réponde à sa question. Tikoun fit alors apparaître de l’eau pour que son ami Sterren se désaltère, mais Mamiwata la fit instantanément disparaître.
« Taratata! Pas de ça chez moi! dit-elle malicieusement en agitant l’index.
– Quelle est l’énigme à laquelle je dois répondre?!? » demanda vivement Sapphire qui perdait patience, les sourcils légèrement froncés.
Mamiwata la dévisagea avec une gourmandise goulue puis dit malicieusement :
« Où se trouve la Lumière? »
   Tikoun et Sterren échangèrent un regard et l’alcyon chuchota à la petite qu’elle était au fond de l’Onde des Constellations, ou plutôt au fond du coffre fort dans l’Onde des Constellations. Le djinn susurra que la lumière était au fond des cœurs purs.
« Tu n’as qu’une réponse à donner, lui apprit Mamiwata. Et si celle-ci est fausse, je te mangerai. »
Mamiwata sourit. Sapphire frissonna. Puis, elle chanta intérieurement la mélopée de Yénor :

                                                     Dans un monde tout noir
                                                   Il existe un cœur tout bleu.
                                                       Cœur chargé d’espoir,
                                                 Apportant des jours heureux.
                                                     Dans ce monde de nuit,
                                               Où tout est ténèbres et noirceur…
                                                    Existe une lumière qui luit,
                                                 Elle est en toi, p’tite Sapphire.

   Et se rappelant des mots de mémé Waris Pour résoudre cette énigme, il te faudra chercher au plus profond de ton cœur. La réponse se trouve dans ton cœur et dans tes yeux, Sapphire dit :
« La Lumière réside dans mon cœur et la lumière se trouve dans mes yeux. »
Mamiwata laissa apparaître une mine déconfite. Sapphire et ses amis se mirent alors à sauter de joie tandis que la cannibale aquatique validait sa réponse. Elle écarquillât ses mâchoires qui s’élargirent étonnamment, puis enfonça son bras dans sa gorge et y fit sortir la clé magique. La Clé de Saphir. Une clé toute bleue et lumineuse, comme les prunelles de Sapphire.
   Sapphire, Tikoun et Sterren se réjouissaient. Mais Sapphire se remit à tousser follement et cracha même du sang. L’alcyon et le djinn s’affolèrent. Mamiwata remit la Clé de Saphir à Sapphire et, grimpant sur le dos de Sterren, la petite la remercia en prenant délicatement Tikoun dans sa main, comme cueillant une précieuse fleur, et leur disant à tous les deux de ne pas s’inquiéter. Mais le djinn tint à ce qu’elle boive derechef sa potion magique. Elle obtempéra.
   L’alcyon plongea ensuite dans la merveilleuse Onde constellée, céleste, si belle et si bleue, si bleue et ruisselante de lumière. Une myriade d’étoiles parsemait cette eau miraculeuse de laquelle Sterren s’abreuvait avec délice. Sapphire était émerveillée. C’était la première fois qu’elle voyait des étoiles. C’est si magnifique, des étoiles! Elles scintillaient splendidement de leur éclat adamantin. Éblouie, Sapphire vit au loin un beau disque d’une éclatante blancheur, comme la lune (la pleine lune) que lui décrivait sa mère dans ses histoires. Soudainement, les trois compagnons virent Mamiwata à leur poursuite, son sourire démoniaque cramponné aux lèvres.
« Quelle idée de faire confiance à une sirène! Mommy Water, qui plus est! Quelle candide naïveté! C’est tellement meeeugnon! Ma toute petite, laisse-moi te manger! Laisse-moi te manger! Je vais te MANGER, mon enfaaant!
– NOOON! » cria Sapphire en pleurs sur le dos de Sterren affolé, qui se mit à nager à toute vitesse, suivie par la rapide Mamiwata!
   À l’endroit où brillait la lune, un coffre fort jaillit du sable. La lune disparut et le coffre prit sa place. Construit avec des saphirs de toute taille, il luisait intensément. Le voyant, Sapphire agita nerveusement ses membres pour accélérer le rythme, balayant énergiquement la lumineuse eau d’étoiles.
« Vite Sterren! Vite Sterren! elle criait, des bulles scintillantes sortant de sa bouche. Cramponne-toi à moi, Tikoun! »
   Malheureusement, Mamiwata (la tête maintenant sur le cou et non pas sous les pieds) était juste derrière Sapphire et, sa gueule grande ouverte, elle était sur le point d’avaler la petite fille. Cepedant, Tikoun lui sauta à la figure. Elle saisit alors le cou de Sapphire de sa toison de vagues d’encre, distillant ainsi un autre poison qui commença à étouffer Sapphire. Sterren enfonça son bec dans la peau écailleuse et gluante de Mamiwata, une peau toxique. Résistante, Sapphire était encore en vie et ne voulait pas abandonner Tikoun et Sterren. Mais ils lui ordonnèrent de prendre la Lumière et de s’en aller.
« Je vous jure que je vous sauverai! » fit comme serment la triste Sapphire, les larmes aux yeux.
   Elle fit entrer la Clé dans la serrure du coffre fort. Celui-ci s’ouvrit tout seul, miraculeusement et Sapphire distingua alors une éblouissante Lumière, si étincelante et extraordinaire, que tous en furent médusés, même Mamiwata qui se débattait avec les créatures. Fascinée, Sapphire sourit. Ses yeux pétillaient de joie. Elle mit ses mains dans le coffre et les agita nerveusement, essayant de saisir la Lumière, mais elle n’y parvint pas. La petite ne comprenait pas ce qui se passait, elle n’arrivait pas à prendre le trésor. C’est alors qu’elle fut instantanément absorbée par cette si éclatante et féérique Lumière, qui déploya toute sa gerbe de rayons d’or, aveuglant ainsi la Mère des Eaux, sous les yeux révulsés, mais souriants, de Tikoun et Sterren. Le Coffre fort de saphirs se referma tout seul et disparut dans le sable ambré, comme il était apparut. Et la lune revint à sa place, ronde et pleine. Belle, blanche, majestueuse.
   Pendant ce temps-là, la Reine Sulfuria, dans son Royaume des Ténèbres, se réjouissait. Les visions de son fétiche étaient favorables. Le fétiche ne percevait plus la présence de la petite Sapphire et annonça à Sulfuria que la fille de Yénor n’était plus de ce monde. La Reine ricana d’un sulfureux plaisir en disant que de toute façon, cet autre monde dans lequel elle était désormais était sans doute meilleur.
« Sans doute dans la panse de cette si chère Miwa! Ah ah ah ah! Comme si elle pouvait me ramener mon trésor, elle! Non mais quelle effrontée, cette gamine! Autant que son père et sa mère! Un trait de famille sans doute! Ah ah ah ah ah! »
   Et elle ricana encore et elle ricana si fort que le son effrayant de son rire ténébreux fut entendu dans tout le royaume, parvenant au cahot de Yénor dont le cœur se glaça, parvenant à la vieille sorcière Waris qui disait des incantations magiques avec ses autres djinns de la forêt, pour protéger sa fille et sa petite-fille.
   Sapphire avait le cœur qui battait à la volée, la respiration difficile et haletante. Grâce à Sterren, elle avait pu traverser le Nuage de Brume ainsi que l’Onde des Constellations. Grâce à Yénor et Waris, elle avait su résoudre l’énigme de Mamiwata. Grâce à Tikoun, elle avait réussi à vivre jusqu’à maintenant, alors qu’elle devrait être morte à l’heure qu’il est. À cause du parfum empoisonné de la brume qu’elle avait accidentellement humé et à cause de la substance toxique que la monstrueuse nixe avait diffusé en serrant son cou de sa toison de vagues d’encre. Mais à présent, Sapphire sentait ses forces l’abandonner, enveloppée dans cette si chaude lumière. Elle avait cru voir l’Espoir. Peut-être ce que sa mère appelait aube, dans les légendes qu’elle lui contait. Peut-être l’aube, première lueur du jour, juste avant l’aurore…
   Mais il semblait plutôt que c’était les Portes du Paradis qui s’ouvraient à elle. Finalement, elle ne réaliserait jamais son rêve, qui n’était sans doute qu’une chimère, puisque les histoires de sa mère étaient toutes des mythes. Elle ne réaliserait jamais son rêve, elle ne verrait jamais le Matin.
« Où suis-je? Dans l’Au-delàs? Suis-je morte? se demanda Sapphire, qui se sentait dépérir.
– Non, tu es dans l’Aurore, répondit une voix tendre de jeune garçon. Dans la Contrée du Matin. »
Les yeux de Sapphire s’écarquillèrent, surprise, bouche bée, tandis qu’elle distinguait faiblement les traits de l’adonis à la carnation ivoirine qui la tenait fermement dans ses bras. Comme les princes tiennent les princesses. Son cœur bondit, le garçon plongeant son regard vairon dans ses prunelles de saphir. C’était irréel et Sapphire en déduit qu’elle était bel et bien au Paradis et que ce garçon qui la tenait était sans doute un ange.
« Qui es-tu? l’interrogea Sapphire, presque inconsciente, d’une voix mourante. L’ange Gabriel? L’ange Raphaël? Ou bien l’ange Michael? »
   Le garçon rit, puis dit :
« Non, je suis le fils du Roi Kountakinté et de la Reine Azurine. Je suis le Prince, Tidiane de l’Aurore. Et toi? Qui es-tu, belle et mystérieuse étrangère?
– Je suis… Sapphire du Crépuscule. La fille aux yeux de saphir et à l’âme de lumière. »
   Et la petite étoile s’éteignit. Puis se ralluma…
   Était-elle en vie et à l’orée de la mort? Où était-elle morte puis revenue à la vie?
   Ça, je ne puis vous le dire, les enfants.

« Ta fille ne semble pas avoir l’intention de revenir, Yénor, commença la cruelle Sulfuria. C’est bien triste. Elle est sans doute partie à tout jamais. »
   Enchaînée, toute pâlie, toute salie, la pauvre Yénor versait des ondes de chagrin, un chapelet bleu entourant son bras. Sulfuria voulait exécuter Yénor sur-le-champ, la donner à manger à ses adorables Ombres du Placard, ou pourquoi pas à son amie des eaux Miwa? La mère lui serait sans doute plus savoureuse que la fille.
« Je vous en prie, Votre Divine Majesté Sulfuria! s’exclama Yénor, éplorée. Ma fille va revenir! Elle va revenir, j’en suis sûre! Je peux sentir sa présence dans mon cœur.
– Mais mon fétiche perçoit son absence dans ses visions, lesquelles sont incontestables.
– Oh Grande et Vénérable Reine Sulfuria! Je vous en supplie! Si Mamiwata ne vous a pas encore ramené ses… Ses prunelles… Il y a forcément une raison, n’est-ce pas!? Le jour n’est pas encore terminé! J’implore votre pitié, attendez la fin du jour. »
   La Reine esquissa un sourire dédaigneux en ordonnant aux gardes de reconduire Yénor dans sa cellule. Puis, demandant à son fétiche de rentrer en contact avec Miwa, celui-ci fit apparaître une bulle transparente planant dans l’air, sur laquelle apparut l’horrible face de Mamiwata. La perfide Sulfuria lui demanda des explications. La fameuse Miwa expliqua à son amie Sulfie que la Fillette aux Yeux de Saphir avait réussit à traverser l’Aube, le Portail menant à l’Aurore. Et que Sapphire était à présent dans la Contrée du Matin. Sulfuria resta sans voix, puis plongea dans une colère folle. Comment cette sale gamine avait-elle pu accéder de au Pays lumineux? Alors que personne, personne, même pas elle, la Puissante Sulfuria n’y était parvenue! C’était tout à fait inconcevable, inconcevable, impossible.
« Je lui ferai la peau! hurla la Reine des Ténèbres. La Lumière est à moi! À moi! Moi qui suis la Lumière! Ah ah ah ah! »
   L’écho de son rire démoniaque résonna dans le Pays de la Nuit, répandant une atmosphère glaciale partout dans le Crépuscule, à tel point que même la terre sembla frissonner de frayeur. Et, dans sa lugubre maisonnée sylvestre, Waris continuait de prier ardemment avec ses djinns en cercle, disant des paroles magiques autour d’un feu. Tandis que Yénor égrenait un chapelet bleu dans son cachot ténébreux.

                                                                         
   Voyez-vous, ce n’est pas pour rien que la petite Sapphire rêve depuis toujours de voir le Matin. Savez-vous que le matin est symbole d’une vie paradisiaque? Eh bien, c’est exactement l’existence édénique qu’on mène dans la Contrée du Matin. Look that!

   Un merveilleux paysage, onirique et enchanté, s’étalait à perte de vue. Le ciel pommelé était rempli de rayons dorés dont la lumière se distillait à flots sur la belle étendue éthérée de couleur aurore (rose doré) et de couleur azur (bleu céleste). De magnifiques oiseaux multicolores, volaient en dessinant des figures artistiques, tout en gazouillant gaiement, amoureusement. Une divine cascade d’eau d’arc-en-ciel et pleine de lumineuses étoiles coulait abondamment en émettant son doux murmure cristallin. Une cascade d’onde irisée, diamantée, et ruisselante d’astres… Tout simplement paradisiaque, édénique, divin! La lumière était éblouissante, solaire, abondante, à tel point qu’elle en devenait vertigineuse. Des nuages vaporeux et moutonnés, aux couleurs douces et sucrées (rose bonbon, jaune vanille, blanc crème ou blanc de lait, vert pomme ou vert anis, rouge cerise ou mauve framboise), poursuivaient dans le ciel leurs éternelles promenades. Les arbres ressemblaient à des baobabs aériens, avec un sublime et luxuriant feuillage et des branches joliment ondulées. Les fruits de ces arbres avaient un goût exquis, ambrosiaque. Le jus de ces fruits avait une saveur séraphique, comme le nectar. Même les cailloux semblaient être des pierres précieuses. Fées, elfes et lutins, déambulaient ça et là ; des poissons aux écailles d’argent et d’iris luisaient au fond des ondes ou des poissons ailés et volants flottaient dans l’air, de jolies petites bulles s’élevant dans les hauteurs empyréennes ; des oiseaux nageant dans l’eau…. Et d’autres fabuleuses créatures de ce genre. Certaines personnes (toutes à la peau d’ivoire), étaient si belles qu’on aurait dit des anges (comme le Prince Tidiane). Cet univers solaire était splendide. À faire tomber le cœur à la renverse (De quoi vous faire rêver, fillettes et garçonnets! Et vous aussi, jouvenceaux et jouvencelles!). Les fleurs poussaient aussi bien sur la verdure que sur les nues, et parmi celles-ci, des toutes précieuses, des toutes belles, toutes lumineuses et toutes dorées, s’épanouissant uniquement dans les champs célestes ou les jardins bleus de l’éther pur. Leur bourbon était une perle blanche semblable à un disque lunaire lilliputien et leurs pétales, à la forme cotonneuse des nuages, ont la couleur précieuse et éternelle des rayons du soleil. Des réyanes qu’on les appelait, plus connues sous le nom de fleurs du paradis. Le ciel moussait de rayons et le soleil ruisselait d’or. La nature luxuriante et fertile déversait infiniment, indéfiniment, ses incommensurables et irréelles merveilles. La Contrée du Matin, située à l’intérieur de l’Aurore, était un monde magique, aux confins du Paradis et du Jardin d’Éden. Un magnifique empyrée, baignant dans une sempiternelle, douce et divine lumière.
   Sapphire venait de se lever. Debout, du haut d’une tour, la petite beauté d’ébène contemplait de ses divines prunelles de saphir la magnificence frôlant la perfection de cet irréel paysage. Un univers tout à fait aux antipodes de celui duquel elle venait. Sapphire n’en revenait pas. Non seulement d’être sur cette terre-la, mais aussi d’être toujours en vie. Il lui semblait qu’elle flottait toujours dans un rêve. Il lui semblait que tout cela était un mirage. Ce n’était pas un mirage, mais plutôt un miracle. Mais qu’y avait t-il d’étonnant, quand on sait que la petite Sapphire était elle-même un miracle?
« Oh! Votre Altesse, Votre Altesse! claironna une fée volant dans tous les sens dans l’air.
– Votre Altesse, renchérit un elfe tout aussi excité. Votre Altesse, la mystérieuse fillette s’est réveillée!
– Oh Aysha! Lyptus! Dieu soit loué! Nous vous croyions perdue! Et voilà que vous surgissez miraculeusement du royaume des morts! s’exclama la Reine Azurine. Tidiane! Kountakinté! La petite est ressuscitée!
– Gloire à Dieu au plus haut des Cieux! s’écria avec autant de zèle le Roi de la Contrée du Matin.
– Sapphire du Crépuscule!? Renchérit le Prince Tidiane, sans voix. Vous… Vous êtes un miracle… »
   Sapphire ne savait comment réagir face à la joie extatique qu’elle suscitait autour d’elle.

   Comme vous avez-dû le deviner, chers amis lecteurs, Sapphire se trouvait dans une chambre du Palais Royal de l’Aurore. Le Prince Tidiane avait ramené la petite au château. Avec l’aide de sa fée Aysha et de son elfe Lyptus, sa mère la Vénérable Reine Azurine avait concocté une sorte d’hydromel pour sauver Sapphire. Et malgré le peu de probabilités à pouvoir la sauver, Sapphire avait survécu. Elle était sûre et certaine que c’était grâce aux rituels mystiques de sa mémé Waris, ainsi qu’aux prières ferventes de sa maman Yénor. Sans compter l’hydromel de la Reine Azurine et la potion magique de son ami le djinn Tikoun. En toute hypothèse, même dans un monde de magie, c’était désarçonnant.
   Sapphire était un mouton noir au milieu de tout ce monde.
   Elle fascinait plus les gens de l’Aurore que ceux du Crépuscule. D’abord, elle avait la peau noire (tous les hôtes de l’Aurore ont la peau d’ivoire comme tous ceux du Crépuscule l’ont d’ébène), mais en plus, ses prunelles étaient d’un bleu étonnamment profond et lumineux.
« Je vous suis infiniment reconnaissante de m’avoir sauvée, Prince Tidiane! s’exclama Sapphire en se couchant à terre, respectueuse. Je vous remercie infiniment, Roi et Reine de la Magnifique Contrée du Matin! Alors, tout cela n’est pas un rêve…! Je vous remercie également, fée Aysha et elfe Lyptus! »
   Les créatures magiques lui sourirent. La gentille Reine Azurine et le bon Roi Kountakinté lui dirent de se lever et qu’ils étaient heureux de la recevoir. Le Roi et la Reine ainsi que le Prince, flamboyaient dans leurs majestueux boubous en soie d’un style fleuri. Sapphire était vêtue d’un beau pagne de satin bleu saphir, brillant comme une pierre précieuse. Si ce n’était que la couleur de sa peau, on l’aurait instinctivement prise pour un membre de la famille royale.
« Je sais que vous en avez déjà trop fait pour moi! Mais j’ai encore besoin de vous, Majestés, Roi Kountakinté et Reine Azurine, ma mère court un danger de mort! Il faut que je retourne la sauver avant qu’il ne soit trop tard…
– Mais où se trouve-t-elle, petite fille? demanda avec douceur la Reine Azurine. Tidiane nous a dit que tu venais du Crépuscule, n’est-ce pas? Comment as-tu fait pour arriver ici, Sapphire? »
Sapphire leur conta sa triste histoire. La Reine de la Nuit voulant lui prendre ses prunelles, la bastonnade puis l’emprisonnement de sa mère. Et enfin la quête du trésor de la Reine Sulfuria… L’évocation de ce prénom maléfique fit frissonner Azurine et Kountakinté qui échangèrent un regard angoissé.
« Sulfuria… dit le Roi Kountakinté avec scepticisme. Alors elle n’a pas changé et continue de semer terreur et détresse autour d’elle. C’est terrible! Quel suppôt de Satan…
– La connaissez-vous, Père et Mère? interrogea le Prince Tidiane.
– Oui mon fils, répondit la Reine Azurine. Sulfuria est mon aînée. Ma grande sœur Léïla. »
   À l’exception du Roi Kountakinté, ils demeurèrent tous interdits (Sapphire, Tidiane, Aysha, Lyptus). Azurine expliqua l’origine de sa querelle avec Sulfuria ((autrefois appelée Léïla qui signifie nuit).

   L’une des deux sœurs devait régner sur le Royaume, à la mort de leurs parents. Le Roi Thierno et la Reine Penda.
   Thierno (comme son épouse la Reine Penda, partie avant lui) avait exprimé ses vœux avant de rendre l’âme, léguant la partie lumineuse du Royaume à sa cadette chérie Azurine, l’autre à son aînée aimée Léïla. Le Royaume était autrefois constitué d’une part des ténèbres et d’autre part de la lumière de sorte que le jour clair soit complémentaire avec la nuit sombre. Mais, en raison de la discorde profonde qui régnait entre les deux sœurs, une fracture totale s’était opérée, créant ainsi une parfaite séparation entre les deux « États ». La lune et les étoiles (crues disparues et éteintes à tout jamais) étaient allées se réfugier au fond d’une onde céleste (dite Onde des Constellations), tant la noirceur de ce pays ténébreux, engendrée par la noirceur de sa souveraine sulfureuse, était effrayante.
   Pourquoi ombres et rayons ne cohabitaient plus ensemble de sorte à se compléter? Le fait est que, Sulfuria était avide de pouvoir et de gloire et voulait absolument posséder l’Aurore du Royaume (et non pas le Crépuscule), qu’elle estimait lui revenir de droit en raison de son statut d’aînée. Or, seules les âmes pures peuvent détenir ce joyau lumineux. Vous le savez bien, Sulfuria a le cœur noir comme la nuit, et de surcroît opaque. Aucune lumière ne peut y pénétrer, si bien qu’aucune couleur ne peut l’embellir, et si bien qu’aucune once de bonté ne saurait éclore un jour en elle. C’était ainsi, et cela avait toujours été ainsi. Tout comme Azurine avait toujours eu un cœur aussi grand que l’azur, pourvu d’autant de rayons lumineux que le ciel bleu. Souvenez-vous des paroles de Waris, mes enfants, comme quoi seules les âmes bleues et lumineuses peuvent accéder au trésor. C’est cela, en effet, puisqu’en elles-mêmes, elles renferment un trésor caché.
« Pourquoi des âmes bleues? S’enquit Sapphire, curieuse.
– Et pas des âmes blanches? ajouta le Prince Tidiane.
– En effet, il est vrai que le blanc s’oppose au noir et qu’ainsi les deux se complètent, répondit le Roi Kountakinté. Songez par exemple à la représentation du Yin et du Yang, ou tout simplement à l’Empyrée par opposition aux Champs Élyséens. C’est symbolique : des beautés que toute personne a en elle. Tout comme chacun a aussi son côté obscur. Le blanc est pur et le noir sulfureux.
– Mais, le fait est que, commença la Reine Azurine, le blanc et le noir ne sont pas considérés comme des couleurs à proprement dit. Et le bleu, si vous observez bien, est la première couleur qui est apparue à la Création du monde, le Ciel étant la première beauté succédant au Chaos. Et celui-ci se reflète dans les eaux. Ainsi, le bleu est d’une étendue incommensurable. Comme l’azur, il est infini, à la fois proche et insaisissable. Magnifique comme un rêve.
– De plus, ajouta le Roi Kountakinté, par métonymie, le Ciel désigne le Dieu Tout-Puissant. Dieu est Amour et Dieu est Lumière.
– Quand on dit qu’un cœur est grand, poursuivit la Reine Azurine, cela signifie qu’il est naturellement disposé à faire du bien.
– Voyez-vous, dit le Roi Kountakinté. Le Ciel d’azur est démesuré et charme les yeux. Il apporte la sérénité au cœur, par sa propre paix apparente. Le bleu, couleur marine et océane, évoque aussi la profondeur des eaux.
– Un cœur profond est un cœur rempli de beautés, expliqua la Reine Azurine. Mais il faut bien chercher pour les trouver. Voilà pourquoi, Sapphire, toi seule pouvais accéder au trésor. Le bleu est la plus profonde et la plus pure des couleurs, je dirais même la plus belle. Le bleu est la couleur de l’espoir et toi, tu incarnes l’Espoir que tous attendent.
– Voilà pourquoi tu as réussi à traverser l’Aube et à atteindre l’Aurore, compléta le Roi Kountakinté. L’aube et l’aurore évoquent également l’espoir.
– Le bleu est douceur et paix, dit la Reine Azurine. Toi, tu es douce comme une mer d’huile et paisible comme un azur tendre. Le bleu est voyage, ailleurs, évasion, nouveaux horizons. Tu es l’être en quête d’un renouveau, celle qui apportera des jours meilleurs aux hôtes du Crépuscule. Celle grâce à qui, ils réussiront à s’évader des Ténèbres. Toi, Sapphire, tu viens de l’Ailleurs.
– Je comprends, admit la petite aux yeux bleus. Et le saphir? A-t-il une signification particulière, Votre Majesté? Maman m’a dit que le mot saphir venait de l’hébreu sappir qui signifie la plus belle chose.
– En effet. Et dans la religion chrétienne, le saphir symbolise la pureté et la force lumineuse du royaume de Dieu, répondit la Reine Azurine. C’est la pierre céleste par excellence et d’aucuns la considèrent comme la pierre d’espérance. Tu es divinement pure. Ton cœur céleste et pétri d’espoir est aussi fort et résistant que la pierre. Ton âme est bleue et pleine de lumière. Et surtout, petite Sapphire, tu es précieuse. »
  Autant joyeuse que surprise, Sapphire se sentait honorée. D’autant plus que ces mots avaient été prononcés par la Reine de la Contrée du Matin. Sapphire avait réalisé son rêve ancestral : voir le matin. Mais chez elle, le cauchemar planait toujours. Sa mère allait mourir si elle n’allait pas à sa rescousse. Et elle avait promis à Tikoun et Sterren qu’elle les sauverait.
« Roi Kountakinté, Reine Azurine et Prince Tidiane, dit Sapphire. Je suis saine et sauve grâce à vous. Dieu vous bénisse, merci, merci infiniment. Mais j’ai encore besoin de vous… Le temps presse. Il me faut absolument retourner dans le Crépuscule! Je vous en prie, dites-moi : que dois-je faire pour rentrer chez moi? Sulfuria tuera maman si je ne viens pas, tout comme elle a tué papa. Mon djinn et mon alcyon sont restés dans l’Onde constellée avec Mamiwata…! Je ne veux pas que maman et mes amis meurent par ma faute. Je dois débarrasser les êtres crépusculaires de Sulfuria.
– Te sens-tu suffisamment forte pour l’affronter? demanda la Reine Azurine.
– Oui, Reine Azurine, dit la petite Sapphire. Je pense être assez forte et courageuse pour y arriver. J’ai vu le Paradis et suis revenue sur Terre… Je ne crains rien, Dieu me protège. La peur ne peut plus m’arrêter.
– Et bien soit. Alors je combattrai à tes côtés, assura la Reine Azurine. Je serai ton armure.
– Je serai ton épée, dit le Roi Kountakinté.
– Et moi ton bouclier. » ajouta le Prince Tidiane.
   Sapphire les regarda avec émotion, sans mot dire. Ses yeux traduisaient tout.
   Le Roi et la Reine confièrent le Château à la fée Aysha et l’elfe Lyptus puis s’en allèrent avec Sapphire et Tidiane.

   À dos d’éléphants roses ailés, ils se mirent en route en direction du champ de réyanes, où se trouvait la Porte d’Azur donnant accès au Crépuscule.
   Sapphire et Tidiane demandèrent pourquoi est-ce que les hôtes du Crépuscule ignoraient l’existence de l’Aurore et la considéraient même comme une pure légende ancestrale. Le sage Roi Kountakinté leur expliqua que, mesquine, jalouse et égoïste, Sulfuria savait que si les êtres crépusculaires se doutaient de l’existence de la Contrée du Matin, ils préféreraient irrévocablement sa petite sœur Azurine. Ce qu’elle avait toujours voulu éviter, puisqu’elle interdisait même aux parents de raconter des histoires sur l’aube, le soleil, le matin, à leurs enfants. Puisqu’elle laissait son peuple croire qu’il n’existait rien, absolument rien d’autre… Au-delàs de la Nuit.
« As-tu toujours la Clé de Saphir? demanda la Reine Azurine.
– Oui, Votre Altesse. » Répondit Sapphire, en ouvrant sa main dans laquelle elle tenait la petite clé bleue et lumineuse.
   Roi Kountakinté, Reine Azurine, Prince Tidiane et Sapphire étaient à présent dans les jardins bleus de l’éther pur. Ils se tenaient sur les nues aux douces teintes sucrées, à l’endroit où poussaient les réyanes (fleurs du paradis). La Reine Azurine prononça une formule magique :

                         Porte invisible, faite de matière céleste! Ô secret pan de l’azur!
                       Montre-nous tes fins contours, pour que s’insère dans ta serrure
                       La lumineuse Clé de Saphir. Conduis-nous au Pays des Ombres!
                        Apparaît, ô Porte d’Azur! Qu’on plonge dans l’abîme sombre!

   Sur l’espace bleu vertigineux de l’immensité du Ciel, se dessina une porte, aux contours à peine distinguables. Sapphire fit entrer sa Clé de Saphir dans la Porte d’Azur. Celle-ci s’ouvrit instantanément, laissant apparaître une sorte de tourbillon violent, dont l’extérieur était orangé comme le couchant et l’intérieur noir comme la nuit. Les quatre personnages y plongèrent tour à tour, se laissant engloutir par les affreuses et profondes ténèbres.
   Puis la Porte d’Azur redevint invisible et se referma derrière eux, tandis que les réyanes rayonnaient comme des petits soleils. Personne ne pouvait ainsi soupçonner que, près de ce champs de fleurs du paradis, se trouvait un chemin conduisant tout droit aux enfers.

   La Reine des Ténèbres ordonna que Yénor soit jetée dans le Placard à Ombres. La pauvre femme se mît à pousser des cris stridents, traduisant l’immensité et l’intensité de la frayeur qui la saisit à cet instant. Sa mère Waris était également au Château depuis un bon moment. Le fétiche de Sulfuria l’ayant informé que la vieille sorcière manigançait de sales tours, elle avait ordonné à sa horde de gardes de l’emmener dans son Palais. La pauvre vieille avait subi des traitements abominables. À présent enfermée dans une grosse bulle transparente, elle regardait, impuissante, sa fille qui allait périr sous ses yeux, engloutie et dévorée par les Ombres démoniaques d’un Placard maléfique. Waris pleurait de douleur et d’angoisse et était si faible qu’elle ne pouvait utiliser sa magie, et ne pouvait même pas faire appel à ses djinns, à qui Sulfuria avait fait boire une substance narcotique si puissante qu’elle frôlait peut-être la dose létale. Quelle cruelle femme, cette Sulfuria!
   Waris et Yénor pleuraient en criant de terreur, en criant « Sapphire! » Soudain, un violent tourbillon noir comme la nuit surgit dans la pièce. Tous frissonnèrent, les gardes, Yénor et Waris, et même Sulfuria. Seul le fétiche comprit de quoi est-ce qu’il s’agissait. Le tourbillon vomit les quatre personnes qu’il avait englouties : le Roi Kountakinté, la Reine Azurine, le Prince Tidiane et la vaillante Sapphire! Soulagés, les cœurs de Waris et Yénor se gonflèrent instantanément d’espoir tandis que Sulfuria plongea dans le désarroi le plus total, affolée par la présence de sa puînée haïe Azurine et cette maudite mouflette de Sapphire. La Reine de l’Aurore et la Fille aux Yeux de Saphir étaient là dans son Château, dans son Royaume des Ténèbres, déployant leur ardente lumière dans tout le Palais et envoyant des Ondes d’espoir à tous les hôtes du Crépuscule. Sulfuria se sentit complètement anéantie. Si bien qu’elle en perdait la parole. Sapphire?! Elle croyait qu’elle en avait fini avec celle-là, son fétiche lui avait pourtant assuré qu’elle n’était plus de ce monde!
« J’ai dis qu’elle n’était plus de ce monde! Du monde crépusculaire, je veux dire, se défendit le fétiche à qui elle lançait des regards fulgurants. Pas qu’elle était morte!
– Me revoici, Reine Sulfuria! annonça Sapphire avec vaillance. Me revoilà! Saine et sauve! Vous vouliez LA Lumière!? Eh bien la voici! »
   Azurine avança alors en direction de sa sœur, qui la dévisageait avec une profonde haine.
« Sale petite peste! hurla Sulfuria à l’attention de Sapphire. Tu me ramènes ma pire ennemie et me la présente comme un fabuleux trophée! Tu ne manques pas de toupet, sale gamine! Comment oses-tu défier la Reine Sulfuria!!!?
– RENDEZ-MOI MA MÈRE! s’insurgea Sapphire. Et libérez ma grand-mère!
– Ça suffit, Léïla! s’exclama la Reine Azurine. Tu en as assez fait comme ça. Ton règne touche à sa fin.
– Comment oses-tu t’adresser à Moi sur ce ton, douce et tendre petite sœur! Toi qui es la cause de tous Mes malheurs! Père et Mère ont préféré te léguer les aubes éternelles tandis qu’à Moi, à Moi, ils ont gentiment offert les ténèbres immuables!
– Non, tu te trompes, Léïla! répliqua Azurine. Tu sais bien que ton cœur n’était pas assez pur et que, pour cette raison, jamais tu n’aurais pu et jamais tu n’auras l’Aurore, Léïla. Étant la plus grande comme tu le réclames, tu aurais dû le comprendre! Tu aurais dû le comprendre, Léïla! Et tu aurais aussi dû comprendre que la nuit ne se résume pas qu’aux ténèbres mais qu’elle renferme également d’intimes et précieux trésors, que tu aurais pu voir, si seulement tes yeux, tout comme ton âme, n’étaient pas si aveugles et fermés à la lumière!
– LÉÏLA! cria Sulfuria en s’élevant haut dans les airs sur un épais nuage de fumée. Tu oses encore m’appelé ainsi, Azurine! Léïla n’est plus! Celle qui se dresse devant toi est Sulfuria! La Reine des Ténèbres, Sulfuria! Ah ah ah! »
   Un énorme serpent noir moucheté de vert entourait le cou de Sulfuria comme un collier et deux autres verts mouchetés de noir ornaient chacun un de ses bras. Le boubou que portait Sulfuria n’était pas transparent, fin et léger mais avait tout de même l’apparence d’une toile d’araignée. Une toile d’araignée extrêmement dure et résistante que la Reine des Ténèbres utilisait pour étouffer les gens qu’elle ensevelissait dans le tissu arachnéen de son boubou démoniaque. Elle pouvait également se servir de ses bijoux-serpents en guise de corde ou de bras multiples. Et c’est ce qu’elle fit.
   Le serpent endormi autour du cou de Sulfuria se réveilla instantanément, s’élargit et s’agrandit de façon étonnante et tout particulièrement effrayante. Ouvrant ses grands yeux jaunes et sa gueule venimeuse, l’ignoble créature que Sulfuria saisit comme une corde, se projeta en direction de Waris et Yénor et s’enroula fermement autour de leurs corps frêles. Waris et Yénor tremblaient de peur, tandis que le reptile les regardait en agitant nerveusement sa langue perfide. Sulfuria qui tenait la mère et la fille du corps de son animal chéri, les maintenait dans les airs, juste au-dessus du Placard à Ombres grand ouvert, plat à terre. Les Ombres affamées du Placard maléfique bougeaient frénétiquement, attendant avec impatience de déguster la jeune femme et l’aïeule (et peut-être d’autres personnes). Cramponnées l’une à l’autre, la fille et sa mère étaient mortes de terreur et en versaient des larmes.
« Lâche-les immédiatement! cria le Roi Kountakinté.
– Pourquoi tant de cruauté, tante Léïla? s’insurgea le Prince Tidiane. Pourquoi?! »
   Sa mère Azurine et son père le regardèrent avec étonnement. Surprise, la cruelle Sulfuria s’écria :
« Tu me considères comme ta tante, jeune prince de l’Aurore! Comme c’est mignon! Pourquoi?! Eh bien, parce que tes grands-parents le Roi Thierno et la Reine Penda se sont montrés tout aussi cruels avec moi! Voilà pourquoi!
– C’est faux! s’incrusta la petite Sapphire en colère. Ce n’est qu’un mensonge, Reine Sulfuria! Vous avez toujours été un sombre démon, bonne à rejoindre la panse des Ombres du Placard! Je le sais! Vous n’avez eu aucune scrupule à mettre fin aux jours de mon père et cela pourquoi? Juste pour assouvir votre besoin de faire du mal! Ma mère m’a toujours fait croire que mon père Fama avait succombé à une maladie mortelle, car elle ne voulait pas que je nourrisse une haine qui polluerait mon cœur, le voulant préserver sain et pur. Mais je sais que c’est faux! Je sais que c’est de votre faute si je n’ai jamais connu mon père et aujourd’hui, vous voulez faire du mal à ma mère et à ma grand-mère! Mais vous ne vous en tirerez pas aussi facilement!
– Oh! s’exclama Sulfuria avec une intonation de tristesse feinte. Alors comme ça, ton père te manque! C’est si triste! Eh bien, si tu veux savoir, Sapphire, et toi aussi Yénor, Fama n’est pas mort! »
   Ces mots sitôt prononcés, tous, sans voix, voient Fama arriver, enchaîné et émacié tel un forçat, entre deux malabars de gardes. Sapphire, Yénor et Waris sont si décontenancées qu’il semblait que leurs yeux allaient sortir de leurs orbites. Non, Fama n’était pas mort. Oui, Fama était bel et bien là, en chair et en os. Fama était en vie! Sapphire appela son père en courant avec émotion vers lui pour se jeter dans ses bras. Yénor criait le nom de son bien-aimé en sanglotant.
« Toutes ces années, je l’avais enfermé dans une de mes cellules. Il était mon chasseur officiel et était censé me rapporter tout ce que je lui demandais. Je lui avais tout simplement demandé de me rapporter deux saphirs, rien d’aussi simple. Mais cet effronté, comme sa misérable amoureuse, avait lui aussi, refusé de m’apporter les prunelles de Sapphire. Ces préciosités sont un ingrédient capital pour la bouillie que mon marabout m’avait recommandé de concocter. Une bouillie qui, si j’avais pu la déguster, aurait pu me permettre d’accéder à l’Aube et de conquérir l’Aurore. Mais je n’ai pas pu! Je n’ai pas pu! Voilà pourquoi je voulais le couple d’iris de cette insolente de Sapphire! Non pas pour me faire des boucles d’oreilles – mes araignées et autres insectes me servent bien pour ça -, mais pour achever ma bouillie magique. »
   Les révélations de Sulfuria parvinrent à leurs oreilles avec effroi, des frissons parcourant l’échine de chacun. Puis la Reine des Ténèbres réveilla les deux serpents enroulés autour de son bras et les expédia en direction de cette satanée Sapphire, avec qui elle devait en avoir fini depuis longtemps. Fama (enchaîné, fermement maintenu par deux gardes), Yénor et Waris (attachées par le corps d’un serpent, à deux doigts d’êtres jetées dans le Placard à Ombres) crièrent à Sapphire de faire attention! Le couple de serpents de Sulfuria se dirigeant en force vers elle fut alors stoppé par l’intervention du Prince Tidiane et du Roi Kountakinté qui leur prodiguèrent de vigoureux et puissants coups. La Reine Azurine déploya sa magie et invoqua une formule magique qui provoqua l’explosion des jumeaux serpents de sa sœur. La famille royale souffla de soulagement. Mais voilà que Sapphire vint en courant devant la Reine Azurine, qu’un autre serpent de Sulfuria est sur le point de l’attraper. Sitôt que Sapphire ait sauvé Azurine, un second serpent, deux fois plus énorme, fit son apparition, tout prêt de saisir la petite fille. Courageux, Prince Tidiane se sacrifia alors à sa place.
« Prince Tidiane! cria Sapphire, regardant douloureusement son sauveur que le serpent étreignait.
– Ah ah ah! fit la Reine Sulfuria de son rire démoniaque. Des serpents, j’en ai en abondance, mes chéries! Ce n’est pas ta minable explosion de rien du tout qui va m’arrêter, Azurine! »
   Azurine commença à dire une autre formule magique, mais elle n’eût pas le temps de terminer que déjà Sulfuria projeta un énorme serpent vers elle qui la saisit et l’étreint fermement, empêchant ainsi son sang de circuler correctement. Le Roi Kountakinté fit apparaître une épée et trancha la tête du serpent tout prêt de l’attraper. Une autre tête de serpent surgit, plus grosse et plus effrayante et la vile créature enroula son corps autour de celui du Roi. Sapphire se retrouva alors seule, face à elle-même. Elle commença à réfléchir à une issue, un moyen de s’en tirer. Elle n’était pas sortie de l’auberge mais s’efforçait tout de même de se convaincre que la victoire n’était pas perdue d’avance.
« Oooh! fit la cruelle Sulfuria avec une compassion feinte. C’est beau l’espoir…! C’est là ta lumière, n’est-ce pas! Ah ah ah!
Je suis l’Espoir! répliqua Sapphire avec vaillance. Et c’est en moi que se trouve la lumière! »
   Déconcertée par une telle audace, la Reine Sulfuria entra dans une noire colère. Yénor, Waris, le Prince Tidiane, le Roi Kountakinté, la Reine Azurine, tous ceux-là, était à présent entre ses mains. Les tenant tous par le corps de ses serpents bien-aimés, juste au-dessus du Placard à Ombres, elle avait le pouvoir absolu sur leurs vies, elle pouvait leur donner la mort. De la façon dont la dernière des Parques coupait le fil de la destinée pour mettre fin aux jours des mortels, la Reine Sulfuria aussi redoutable qu’Atropos, n’avait qu’à desserrer légèrement l’étreinte de ses serpents et elle en aurait fini avec tous ceux-là.
   Sapphire regarda son père affaibli, enchaîné et amaigri. Tous les êtres qu’elle aimait semblaient à deux pas de la mort. Que devait-elle faire? Sapphire vit l’un des malabars de gardes de la Reine laissant son père et allant à sa poursuite. La petite prit goût à ce jeu et se mît à courir, courir, courir. Elle s’arrêta pour prendre un vase en jaspe du palais et le brisa sur le crâne du garde qui la poursuivait.
« SAPPHIRE! clama la Reine Sulfuria. Je suis libre de jeter tes proches dans le Placard à Ombres et tu n’as pas peur! »
   Sapphire planta son lumineux regard de saphir dans ses yeux noirs comme les ténèbres qui l’habitaient, et dit :
« Vos yeux sont bien noirs, Votre Majesté.
– Quoi?! Que dis-tu! hurla la Reine Sulfuria de plus en plus étonnée et décontenancée.
– Les yeux sont les portes de l’âme, lui apprit-elle en lançant un regard discret à sa mémé Waris. La noirceur de vos yeux reflète les ténèbres de votre âme. Vous ne me faites pas peur, Sulfuria. Je vous l’ai dit. La Lumière se trouve en moi. Ne savez-vous pas que ces mots étaient la clé de l’énigme de votre si chère amie Miwa! »
   Sulfuria ouvrit grand les yeux, tétanisée, tandis que Sapphire esquissait un sourire aussi candide qu’espiègle. La Reine Azurine cria à Sapphire que la Clé de Saphir pouvait être utilisée trois fois. Sapphire fit rapidement le point dans sa tête. Elle l’avait utilisé deux fois : la première pour ouvrir le Coffre fort contenant l’Aube (le Portail de l’Aurore) et la seconde pour ouvrir la Porte d’Azur (conduisant au Crépuscule). Elle pouvait l’utiliser encore une dernière mais en quoi faisant?
La Reine Sulfuria rapprocha Yénor du Placard à Ombres, si bien qu’une Ombre effleura son pied et elle frissonna de peur. Tous le monde avait peur. Tous commençaient à perdre espoir. La lueur qui brillait dans leurs yeux commençait à faiblir. Où était l’espoir lumineux qui les animait tous? Perdu? Envolé? Ils semblaient tous s’engouffrer peu à peu dans les ténèbres obscures. Était-ce parce que Sulfuria diffusait des ondes maléfiques? Ou plutôt parce qu’ils n’avaient plus la foi? Sapphire entendit la Reine Sulfuria lui dire d’abandonner car elle ne pouvait rien contre elle. Sapphire dit qu’elle n’abandonnera jamais. Puis, claquant des doigts et s’agitant comme un singe, elle attira l’attention des serpents. Ceux-ci que Sulfuria contrôlait et manipulait comme des marionnettes s’intéressèrent plutôt aux simagrées de Sapphire. Tous les serpents de la Reine, dont les corps maintenaient ses proches bien attachés, bifurquèrent vers la petite et cessèrent d’obéirent à la Reine Sulfuria. Sapphire les regardait de son regard plein d’une lumière bleue et cette lumière bleue était plus captivante et hypnotique que les pouvoirs de Sulfuria. Ainsi, les serpents posèrent gentiment Yénor, Waris, le Prince Tidiane, la Reine Azurine et le Roi Kountakinté, sur le sol. Ceux-ci se sentirent soulagés, loin de ce terrifiant Placard à Ombres dont la simple apparence les avait submergés de peur. Sapphire esquissa un large sourire de satisfaction. Le second garde de la Reine qui surveillait Fama se saisit du bras de la petite. Ayant baissé sa garde, Fama n’eut aucun mal à lui prendre son épée et à la lui enfoncer dans le ventre, le regardant droit dans les yeux. Il put ainsi récupérer la clé et se libéra de ses chaînes.
   La colère de Sulfuria se faisait plus noire, plus terrible et plus folle. Sulfuria devenait folle. Elle concentra toute sa force et toute son énergie et parvint à reprendre le contrôle sur ses reptiles du mal. Ceux-ci, obéissant derechef à leur maîtresse, s’emparèrent de la petite Sapphire tandis que tous ses proches, replongeant dans l’angoisse, se mirent à l’appeler avec crainte.
« N’ayez pas peur! leur cria Sapphire que les serpents étreignaient à l’étouffement. Ayez la foi! On peut faire des miracles avec la foi. Je ne sais plus ce que je dois faire pour venir à bout de ce démon! J’ai besoin de vous, que dois-je faire?! Que dois-je faire!?
– La réponse est en toi, Sapphire, dit faiblement Fama qui n’avait même plus assez de force pour manier l’épée du garde.
– Tu es notre seul espoir. » renchérit la Reine Azurine que l’étreinte du serpent étouffait.
   C’est alors que Yénor commença à chanter la mélopée de Sapphire, suivie de tous les autres.
Yénor : « Dans un monde tout noir, il existe un cœur tout bleu. »
Waris : « Cœur chargé d’espoir, apportant des jours heureux. »
Roi Kountakinté : « Dans ce monde de nuit… »
Prince Tidiane : « Où tout est ténèbres et noirceur… »
Reine Azurine : « Existe une lumière qui luit. »
Fama : « Elle est en toi, p’tite Sapphire. »
   La Reine Sulfuria faisait planer une toile d’araignée dans laquelle ses serpents avaient placé la pauvre petite Sapphire qui ne s’avouait pourtant pas vaincue. Avec un sourire sadique et large jusqu’aux oreilles, la Reine Sulfuria, son visage tout près de celui de Sapphire, rapprocha ses doigts maléfiques des yeux de la fillette pour en extraire les lumineuses et bleues prunelles. Sapphire mordit sa paupière et vit que, le Roi Kountakinté, sa mère Yénor, son aïeule Waris, le Prince Tidiane et son père Fama, avaient attaché la Reine Sulfuria avec le corps de ses propres serpents. Ceux-ci étaient devenus fous comme leur maîtresse et ne sachant plus ce qu’ils faisaient, se soumettaient aveuglément à la magie de la Reine Azurine. Cette dernière transforma alors la toile d’araignée de Sulfuria en un nuage enchanté de couleur azur. Sapphire dirigeant la nue azurée, alla en direction du Placard à Ombres, tandis que la folle de Sulfuria, continuait de se débattre vainement. Sapphire hypnotisa les serpents par la lumière bleue de ses yeux et ceux-ci, l’obéissant, amenèrent Sulfuria juste au-dessus du Placard à Ombres.
« Reine Sulfuria, dit Sapphire. Qu’en dites-vous? Même vos serpents ténébreux semblent désirer les couleurs et la lumière. Pourquoi refusez-vous que les êtres du Crépuscule connaissent les beautés du Matin et même celle du Soir? La lune et les étoiles…
– Parce que… fit Sulfuria avec haine, au bord de la folie. Parce que… Vous êtes tous des maudits!!!!
– Léïla, tu peux changer! lui dit avec commisération sa sœur. Accepte seulement de sortir des ténèbres et tu verras que toi aussi tu peux connaître la lumière!
– N’ayez pas peur de croire qu’il y a encore de l’espoir. Il y a toujours de l’espoir! lui dit innocemment Sapphire. Il y a toujours la lumière au bout des ténèbres. »
   Sulfuria la regarda avec un air perdu et ahuri et dit :
« À l’intérieur des ténèbres, se cache une lumière?
– Oui, Reine Sulfuria! Voulez-vous la voir? demanda la douce et candide Sapphire avec compassion.
– Non, Sapphire! cria l’aïeule Waris. Non Sapphire, c’est un piège!
– Oui, approuva Sulfuria en esquissant un large sourire des enfers. Oui, Sapphire, je veux te voir dans le maléfique Placard! Puisque tu es lumière, puisque tu es rayons, qu’attends-tu pour éclairer les ténèbres! Qu’attends-tu pour rejoindre les Ombres?! Si Miwa n’a pas pu te manger, alors ce sont les Ombres qui te dévoreront! »
   Sulfuria tout prête de saisir Sapphire, fut arrêtée par sa sœur Azurine qui déploya sa magie et laissa les serpents la laisser tomber… Dans le Placard à Ombres. Mais Sulfuria avait la main de Sapphire dans la sienne et ne voulait pas partir sans emporter la petite avec elle. Sapphire, avec tout son courage, ne se laissa pas envahir par la peur et lui lança un vigoureux coup de pied au visage. Sulfuria fut alors engloutie par les Ombres diaboliques du Placard maléfique. Ce qu’elle avait voulu faire aux autres lui arriva à elle-même. Pourtant, bien qu’engloutie par les ombres, engloutie par sa propre ombre, elle continuait d’agiter frénétiquement ses membres et faillit même sortir du Placard. Ses serpents qui la chérissaient tant la rejoignirent dans son sépulcre, en emportant avec eux le marabout, le fétiche et le coq noir de Sulfuria (qui voulaient tous les trois s’enfuir). Puis Sapphire s’empressa de fermer les Portes du Placard. À l’image des yeux de Sulfuria, qui ne se rouvriraient plus jamais. Tous entendirent son cri strident de défaite s’éteindre peu à peu au fond des ténèbres abyssales et obscures. Elle trépassa la Reine Sulfuria, folle comme dame Stultitia et laide comme la Camargue.
   Sapphire brandit sa Clé de Saphir comme un trophée en or et l’inséra dans la serrure de la porte du Placard. Le fermant ainsi éternellement. Mais oui, bien sûr! Une clé a une double fonction : celle d’ouverture et de fermeture. La Clé de Saphir devait être utilisée trois fois. D’abord pour ouvrir le Coffre contenant l’Aube, puis pour ouvrir la Porte d’Azur conduisant au Crépuscule. Et enfin, pour la troisième et dernière fois, la Clé de Saphir devait servir à fermer le Placard à Ombres (Ainsi qu’à enfermer à tout jamais l’ignoble Sulfuria par la même occaz’!). C’en était fini de la Reine des Ténèbres. Elle n’était plus qu’une ombre à présent. Oui, quel soulagement, n’est-ce pas, les enfants?! Au placard la Sulfuria!
   Oui, la lumière triompha des ténèbres.

                                                                        *
   Après la disparition de Sulfuria, la lune et les étoiles réapparurent dans le ciel. La nuit obscure et opaque demeura sombre, mais malgré tout illuminée. Et c’était beau. C’était magnifique. Pour la première fois de leur existence, pour la première fois depuis fort longtemps, les êtres du Crépuscule découvraient et savouraient les beautés vespérales. Les prunelles de Sapphire n’étaient plus la seule splendeur à briller dans la nuit car la nuit en elle-même était redevenue une splendeur.
   Lorsque, en se servant de la Clé de Saphir, Sapphire avait fermé le Placard à Ombres pour l’éternité, la Reine Azurine avait alors jeté un sort qui fit disparaître ce sépulcre sulfureux dans une autre dimension, quelque part, au milieu de nulle part, dans les abysses du néant. Disparu à tout jamais.
  Quelle ne fût pas la joie de Sapphire quand celle-ci retrouva enfin sa maman! Et sa mamie et son papa! Heureuse, les yeux pleins d’étoiles, de larmes, elle en versa toute une onde. À propos d’onde et d’étoiles, qu’en est-il de l’Onde des Constellation? Qu’en était-il du djinn Tikoun et de l’alcyon Sterren, les fidèles compagnons de la petite Sapphire, qui avaient mené à bien leur mission et l’avait conduit jusqu’au Portail de l’Aurore? Jusqu’à l’Aube. Sapphire, accompagnée de sa famille et de la famille royale, retourna près de l’eau constellée récupérer ses amis, à qui elle avait fait la promesse de revenir les sauver.
   Comme l’astre noir que constituait Sulfuria était mort, la nature avait retrouvé son juste équilibre et tout était revenu dans l’ordre. Au moment où Sulfuria avait disparue, le Nuage de Brume s’était instantanément évaporé, tandis que l’onde gisant dans l’éther, avait rejoint les eaux terrestres. Les étoiles et la lune qui l’habitaient avaient eux-aussi quitté le monde aquatique et étaient retournées à leur terre d’origine, le Ciel. Le beau ciel de la nuit que ces astres se devaient d’éclairer, car oui, s’il y’avait les ténèbres, il y’avait nécessairement une lumière. Ainsi l’Onde des Constellations (comme le Nuage de Brume), n’existait plus.
   Comme il n’y avait plus d’onde céleste, il fallait se rendre près de l’onde terrestre qu’on appelait la mer. Ils montèrent sur le nuage azuré (sur lequel Sapphire était toute à l’heure). L’aïeule Waris, étant la plus sage et la plus savante, leur servit de guide et les conduisit à la mer. La splendide mer dont les vagues s’agitaient énergiquement en ondulant, luisantes et glauques, vertes et bleues, bleues et grises, d’argent et de dentelle. La mer ; brillante, parsemée d’étincelles, comme ayant conservé un soupçon de lune, comme ayant conservé quelques bribes d’étoiles.
« Tikoun! Sterren! les appela Sapphire en entrant dans l’eau. Sterren! Tikoun! Où êtes-vous les amis? Où êtes-vous?! »
   Sapphire se mît à sangloter, chagrine et dépitée. Il semblerait qu’elle arrivait trop tard. Elle avait juré à ses amis qu’elle les sauverait. Mais c’était trop tard. Tikoun et Sterren avaient sans doute été dégustés par Mamiwata.
« Ne pleure pas, Sapphire, dit tendrement son père Fama, en posant sa main sur son épaule.
– Regarde! » s’écria le Prince Tidiane en indexant l’horizon.
   Ils virent Mamiwata surgir de l’eau, Tikoun sur son épaule et Sterren volant à son côté, tous les deux avec un joyeux sourire aux lèvres. Un sourire autant joyeux que contagieux, car Sapphire recouvra immédiatement le sourire! Et des larmes de joie perlèrent de ses yeux.
« Oh Tikoun! Sterren! claironna la petite, heureuse. Oh mes chers amis! Quel plaisir de vous revoir!
– Sapphire! carillonnèrent à leur tour le djinn et l’alcyon en sanglotant également de bonheur et en se jetant à son cou au point de la faire tomber. Sapphire! Tu nous as tellement manqué! »
   Tikoun et Sterren sautèrent ensuite dans les bras de leur Waris chérie. L’aïeule était tout aussi joyeuse de retrouver ses créatures magiques qu’elle serra chaleureusement, en souriant de tendresse et en pleurant d’amour. Yénor et Fama les embrassèrent également et ils saluèrent respectueusement la famille royale. Mamiwata sortit de l’eau et s’arrêta sur la terre ferme. Méfiants, Sapphire et les autres se mirent en garde, face à cette si affreuse et laide, cruelle et ignoble créature. Tout autant que sa meilleure amie Sulfie. Tikoun et Sterren leur dirent alors qu’ils n’avaient rien à craindre et leur expliqua que Mamiwata ne les avait pas mangé car elle ne se nourrissait a priori que de la chair humaine… Cela ne les rassura guère, évidemment. Voilà que Mamiwata prit délibérément la parole pour leur conter sa triste histoire, que connaissaient déjà Tikoun et Sterren. La physionomie monstrueuse et le corps affreux de Mamiwata les faisaient tous quelque peu frissonner.
« Autrefois, lorsque vivaient encore le Roi Thierno et la Reine Penda, j’étais une splendide sirène. Une ravissante ondine, que tous les tritons convoitaient, et qui surtout, séduisait tous les hommes, aussi bien du Crépuscule que de l’Aurore. Tous voulaient me rencontrer, non seulement pour mon ineffable beauté mais aussi pour signer des pactes diaboliques. Car ma magie noire leur permettrait d’obtenir facilement tout ce qu’ils désiraient. Lorsque la Reine Penda, puis le Roi Thierno, moururent, que la Princesse Azurine devint souveraine de l’Aurore et la Princesse Léïla celle du Crépuscule, une rupture s’opéra entre les deux contrées. C’est là que la Reine Léïla, enfin, la Reine Sulfuria, fit de moi une deux ses acolytes. À cause de ma magie noire. Elle m’a jeté un sort qui a fait de moi celle que je suis aujourd’hui : une affreuse créature des eaux, qui se nourrit de chair humaine. Mais j’en ai assez de cela. Je ne veux plus faire du mal. Je veux redevenir la belle ondine que j’étais autrefois et mettre ma magie au service du bien. Je ne veux plus être Mamiwata. Je veux redevenir Aminata. »
   En disant ces mots, la sirène avait presque les larmes aux yeux. L’histoire de Mamiwata (ou plutôt de Aminata) émurent tous ceux qui venaient de l’entendre. Tikoun et Sterren leur expliquèrent qu’ils pouvaient faire confiance à la sirène, que lorsqu’ils s’étaient évanouis dans l’Onde des Constellations, elle s’était occupée d’eux et avait fait preuve d’une immense gentillesse. Mamiwata les couvrit tous d’un regard lourd de tristesse et de mélancolie, mais aussi plein de sincérité. C’est alors que la petite Sapphire, devenue très sage, dit une parole surprenante, tant elle ressemblait à ce qu’avait coutume de dire l’aïeule Waris.
« Aminata, dit-elle en prenant les mains gluantes et écailleuses de Mamiwata et en la regardant droit dans les yeux. Je peux voir à travers ton regard triste et embué de larmes, combien ton âme saturnienne pleure de chagrin. Mais je peux aussi voir dans tes yeux que tu es sincère. Je vois une lueur dans tes yeux et je vois la beauté de ton âme, Amie. Parce que les yeux sont les portes de l’âme et que l’âme se cache dans les yeux. »
   L’aïeule sourit de fierté en regardant sa petite-fille, son djinn et son alcyon voltigeant de joie autour d’elle. Gentiment, un sourire aux lèvres, Yénor et Fama se mirent chacun aux côtés de l’ondine contrite, Yénor prenant sa main gauche et Fama la droite. Sapphire et le Prince Tidiane échangèrent un heureux sourire et s’étreignirent mutuellement, avec amour et douceur. Le Roi Kountakinté et la Reine Azurine se prirent la main et prononcèrent une formule magique ensemble :

                                           Toi qui autrefois étais une jolie ondine
                                          Et qui à présent es un monstre de l’eau,
                                         Redeviens une ravissante nymphe marine,
                                          Avec un cœur d’azur illuminant les flots.

   Et l’affreuse créature aquatique redevint une merveilleuse sylphide des mers, recouvrant sa sublime queue de poisson et son splendide corps humain. Aminata plongea alors dans la mer, avec joie et éclat, en remerciant infiniment la Reine et le Roi ainsi que la petite Sapphire et toute sa famille. Elle les arrosa tous de bénédictions et serra une dernière fois Tikoun et Sterren dans ses bras. Aminata posa un baiser sur la joue de la petite Sapphire en la gratifiant d’un joyeux sourire puis retourna dans son océan chéri rejoindre sa famille et ses amis.
   Et la Clé de Saphir? Où est-elle passée? Eh bien, maintenant qu’elle a été utilisée trois fois et qu’elle n’a donc plus ses pouvoirs, l’ondine Aminata en a fait un pendentif pour Sapphire. Présent conçu pour lui exprimer sa reconnaissance et en signe de son amitié éternelle. Un pendentif magique qui protégerait la brave fillette en toute circonstance, tout en lui portant bonheur et chance.
Sapphire, ses amis et toute sa famille se firent un gros câlin, plein d’amour et de chaleur. Soulagés d’avoir enfin retrouvé la paix. La fillette était si heureuse d’être enfin dans les bras de sa mère Yénor et de son père Fama, avec son aïeule chérie Waris, et ses tendres amis Tikoun et Sterren! Et puis le Roi Kountakinté et la Reine Azurine également. Et puis son amoureux le Prince Tidiane. À présent les portes du Palais lui étaient grand ouvertes. Elle faisait désormais partie de la famille royale, Sapphire notre petite princesse.
                                                                        *
   Le Roi Kountakinté, la Reine Azurine et le Prince Tidiane organisèrent un grand festin auquel Sapphire et toute sa famille (y compris Tikoun et Sterren) furent conviées. Un festin en l’honneur de la victoire de la lumière sur les ténèbres, du triomphe de Sapphire sur Sulfuria. Plus tard, il y eût aussi une fête pompeuse dans tout le Royaume, à laquelle participèrent tous les êtres du Crépuscule et tous les hôtes de l’Aurore. Tous les gens du Royaume. L’elfe Lyptus et la fée Aysha confectionnèrent un précieux boubou orné de saphirs pour la fillette, vêtement qu’elle revêtît pour la cérémonie de félicitations et de bénédictions.

                    BRAVO POUR TA BRAVOURE, BRAVE PETITE SAPPHIRE! tous claironnèrent.
                                       HIP HIP HIP! HOURA! HIP HIP HIP! HOURA!!!

   En esquissant un sourire lumineux, Tidiane posa une couronne de réyanes (fleurs du paradis ; les réyanes, ces splendides fleurs célestes, aux pétales floconneuses et solaires, au bourbon de perle en forme de petite lune) sur la tête de Sapphire et posa un baiser fleuri sur sa joue en feu, puis la prit par la main. Pétrie d’amour et de joie, les étoiles de ses yeux bleus flamboyèrent comme le cœur céleste du merveilleux Prince Tidiane. Et Sapphire serra amoureusement Tidiane dans ses bras.

                                                                        *
   La disparition de Sulfuria et du Placard à Ombres ayant fait disparaître le Nuage de Brume et l’Onde des Constellations, le Coffre (contenant autrefois l’Aube) et la Porte d’Azur n’avaient plus de raison d’être également. Et n’existaient plus donc.
   Ainsi, maintenant que tout était rentré dans l’ordre, que la nature avait retrouvé son équilibre, que lune et étoiles étaient revenues dans le ciel nocturne, Aurore et Crépuscule pouvaient à nouveau cohabiter ensemble. Aurore et Crépuscule communiaient comme autrefois, et, de Là-Haut, le Roi Thierno et la Reine Penda, heureux et fiers, contemplaient amoureusement leur Royaume à nouveau uni, les êtres du Crépuscule et ceux de l’Aurore à nouveaux réunis. Ils contemplaient Aurore et Crépuscule dans toute la majesté de leur union. Crépuscule et Aurore, dans toute la divinité dans leur unité. Car l’un ne va pas sans l’autre. Oh! Quelle magnifique symbiose!
   Les gens d’ébène et les gens d’ivoire communièrent et redevinrent une communauté. Les êtres du Crépuscule découvrirent le jour, son éclat matinal, sa lumière étincelante, ses joyeux plaisirs, son divin soleil. Les êtres de l’Aurore découvrirent la nuit, ses mystères et ses secrets, ses beautés ineffables et sibyllines, sa blanche lune et ses brillantes étoiles. […] Car si le matin était magique, le soir n’en était pas moins féérique.
   Tous apprirent que la nuit n’était pas que ténèbres et néant. Mais qu’elle représentait aussi les germinations qui éclateront au grand jour. La préparation du matin d’où jaillira une lumière de vie.
   Oui, parce qu’il faut la nuit pour qu’il y ait le jour.
   Parce qu’il faut la lune pour qu’il y ait le soleil, tout comme il faut la femme pour qu’il y ait l’homme. Parce qu’il faut la tristesse pour qu’il y ait la joie et qu’il faut la détresse pour qu’il y ait le secours. Parce qu’il faut la mort pour qu’il y ait la vie, qu’il faut les ombres pour qu’il y ait les rayons. Et parce qu’il faut les ténèbres pour qu’il y ait la lumière.

   La lumière se trouve en chacun de nous. Il suffit de fouiller à l’intérieur de son âme et tout simplement… D’ouvrir les yeux. Peut-être apercevrez-vous les prunelles de saphir de la petite Sapphire… Peut-être découvrirez-vous en vous son âme de lumière.
   Car on a tous une petite Sapphire en soi.

                                                     Dans un monde tout noir
                                                   Il existe un cœur tout bleu.
                                                       Cœur chargé d’espoir,
                                                 Apportant des jours heureux.
                                                     Dans ce monde de nuit,
                                               Où tout est ténèbres et noirceur…
                                                    Existe une lumière qui luit,
                                                 Elle est en toi, p’tite Sapphire.

   Les enfants, que votre âme garde sa couleur céleste.
       Ne laissez jamais la lueur de vos yeux s’éteindre.
               Puisse ce conte illuminer vos cœurs.

 Maureen KAKOU.

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7 réflexions au sujet de “« Sapphire (ou le conte bleu) » Ecrit par Maureen”

  1. Des trésors d’imagination…
    Et de très jolis phrases
    Mais voilà le récit souffre de quelques maladresses ( de style notamment :répétitions, petites lourdeurs, surcharge de détails ..)
    C’est dommage car l’ensemble est bon
    Tu as un filon :
    Des idées bien précises
    Un élan onirique
    Et un goût pour la narration
    Toutes ces choses dont moi je suis bien incapable
    Mais qui me font dire qu’en littérature jeunesse tu as toute ta place

    Travaille
    Et tiens bon !

    PS : Maureen est un prénom merveilleux

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  2. Oh trop gentiil! Merci Yorrick, ça me touche énormément 🙂 Oui tu as raison, trop de lourdeur et de surchage inutiles… La simplicité m’a toujours fait défaut, et je m’efforce de travailler là-dessus. Merci d’avoir pris le temps de me lire, chuis contente que tu aies aimé. Et ton compliment sur mon prénom est aussi très flatteur! 🙂

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