« Stupide Mirage »

Dites-le avec une lettre

Il y a des choses qu'on aimerait pouvoir écrire... Mais on ne sait pas toujours par où commencer, comment trouver les bons mots, véhiculer la bonne intention. Aujourd'hui, on vous aide à vous lancer et envoyer la lettre parfaite:

C’est avec une stupide boule nouée dans le creux de la gorge que mes doigts s’excitent tous seuls sur le clavier. Ils n’ont plus besoin de mon cerveau pour rédiger, je les ai bien éduqués. Je souris et une cascade de larmes s’écoule sur mes joues. Non je plaisante, il s’agit juste d’une petite pluie. Un peu salée, bizarrement.

Je ris de moi. La fille stupide que je suis a fait un stupide aller-retour en métro ce soir, pour se vider l’esprit, pour éviter de broyer du noir. Les rails défilent, les paysages s’empilent, toujours les mêmes. Je m’ennuie. Envie de rien. Une bonne claque ne fait jamais de mal. C’était une idée stupide. C’est bien mieux comme ça.

Ivre morte, quand les couleurs deviennent saturées et que le feu brûle en moi il m’est déjà arrivé de tourner, tourner en rond, les bras tendus, seule, dans la rue. Le vent soufflait sur mon visage et rien n’était plus agréable que cette sensation de folle liberté. Que les gens se moquent, quelle importance ?  C’est la vie qui me pousse et me fait virevolter sur un unique pied. Mais faire la girouette en revanche est une grande première. Et putain que c’est bon de se prendre un gros coup bien violent au moment où tu es en plein enchantement. Tu redescends tellement vite sur terre que t’as l’impression d’avoir creusé ta tombe en quelques secondes. Tu te retrouves plus bas que terre, tu te sens comme un déchet, un gros déchet. Et ces rails qui me narguent, cette longue échelle horizontale qui mène au Paradis. Ou en Enfer. Je m’en fous, j’y crois pas. Je ne crois en rien si ce n’est en l’absurdité.

Je me sentais comme un vieux puzzle inachevé, il me manquait des pièces. On avait dû les laisser traîner dans un coin du grenier. Pour une fois dans ma vie, j’avais la sensation d’avoir pu récupérer ces morceaux manquants, je me sentais entière. Et même si nos chemins se séparent, je me sens un peu réparée. Partiellement rabibochée.

Si  j’ai la sensation de donner vie à l’expression « bouche-trou », sache en tous cas que tu es à l’origine de la brèche ouverte dans mon cœur. Je peine à respirer.

Je me rappelle cette histoire que l’on me contait : quand j’arrive dans un endroit, quel qu’il soit, et que je te vois, de près ou de loin, tout s’arrête de tourner autour de moi. J’oublie le reste, aussi insensé que cela puisse te paraître.

–          Tu m’aimes ?

–          Non… Toi non plus tu ne m’aimes pas.

–          … Non. J’ai de l’attirance.

–          Oui voilà. De l’attirance.

Et tu me serres contre toi si fort que j’étouffe de bonheur. Et dans le creux de mon oreille, tu me souffles doucement : « En fait je crois que je t’aime. Ouais, on peut dire que je t’aime, d’une certaine manière ». Je respire ton parfum, le nez enfoui dans ton écharpe, j’absorbe cet instant éphémère, qui, je le sais, va m’être volé par le temps. Mais qu’est-ce que tu veux ?  T’attends quoi ? Secoue-moi, secoue-toi.

C’est une jolie petite histoire que l’on raconte le soir, avant de s’endormir, pour faire croire que la beauté du monde persiste et que les petits plaisirs existent. Mais non, voyons, je ne suis pas pessimiste.

Merci. Merci pour tout. J’ai appris un peu mieux à encaisser les petits coups. Mais non, ne t’excuse pas, surtout pas. Ça servirait à quoi ? Tout rentre dans l’ordre. Après l’orage vient l’accalmie et je l’attends avec envie. Pour le moment, je me contenterai de serrer les dents, de ne pas pleurer parce  que c’est moche une fille qui pleure. C’est faible, pas à la hauteur.

L’histoire était si belle. La fin est si moche.

J’enfile mon manteau d’espoir et mon masque de joie et je repars. Marcher dans la nuit, me faire emmerder par des connards, me faire pote avec les clochards, cracher sur le premier qui me pousse, traverser sans regarder le feu et courir pour aller mieux. Courir, courir, pour échapper, pour m’échapper.

Au revoir Mirage, je te souhaite bon voyage.

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7 réflexions au sujet de “« Stupide Mirage »”

  1. Léa, j’aime vraiment ta façon d’écrire. Tes textes sont abstraits, ce qui nous permet d’imaginer ce que l’on veut à travers leur lecture et c’est un délice. Comme le dit Marie, ce texte est poignant, comme beaucoup d’autre, il y a tant de souffrance et d’amour dans ce que tu écris…Merci de faire partager ça, je trouve que trop peu de personnes te remercie alors que tu nous aides tous que ce soit à travers tes écrits, NOS écrits, tes articles et tes lettres.
    Continue!

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    • Merci beaucoup à toutes les deux. Vos commentaires me vont droit au coeur. L’écriture me tient lieu de défouloir et si cela vous permet de vous y retrouver… J’en suis très flattée. (Bien que mes textes ne soient pas toujours très joyeux 🙂 )
      Encore merci!

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  2. « Ivre morte, quand les couleurs deviennent saturées et que le feu brûle en moi il m’est déjà arrivé de tourner, tourner en rond, les bras tendus, seule, dans la rue. »

    Cette phrase est magnifique. On visualise bien la scène. Les feux tricolores, la clarté des néons, les phares des bagnoles et toi au milieu. Dansant au son des klaxons, avec tes hectolitres d’alcool dans le sang ! Débraillée et ahurie, tu occupes la rue. Comme une possédée. Tu danses une dernière valse avec la vie comme pour te rassurer. Et tandis que tes yeux clignotent et que tête tourne, sur le macadam, dans une gerbe immense, ton âme se rend.

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